Alexandra Mongeau, la fille de Maurice «Mom» Boucher, s’ouvre sur sa vie familiale et sur son métier à Annie-Soleil Proteau
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Annie-Soleil Proteau
Toute sa vie, Alexandra Mongeau, la fille de Maurice «Mom» Boucher, a gardé le silence, refusant systématiquement les nombreuses demandes d’entrevues qu’elle recevait... jusqu’à aujourd’hui. Maintenant âgée de 35 ans, celle qui a grandi pendant la guerre des motards a accepté de se livrer, avec sincérité et émotion, à l’animatrice Annie-Soleil Proteau, dans le cadre d’un épisode spécial de la série Famille de criminel intitulé Mom, mon père.
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Alexandra, après toutes ces années à garder le silence, qu’est-ce que tu souhaitais mettre en lumière dans l’émission qu’on a faite ensemble?
Je voulais qu’on comprenne que derrière Mom Boucher le criminel, il y avait aussi un père. Je ne cherche pas du tout à excuser ses actions: ses gestes criminels m’horrifient. Ce que j’ai voulu faire, c’est parler de l’impact qu’il a eu sur ma vie en tant que père, et des défis auxquels je fais face à cause de sa criminalité.
Tu l’as aimé en tant que père, mais tu portes aussi les blessures de son rôle dans le crime organisé. Qu’est-ce que ton père représentait pour toi?
Ma relation avec mon père est complexe. Quand j’étais petite, il était très présent, et il me montrait à quel point il m’aimait. Il m’encourageait à réussir à l’école. Les gens autour de moi me protégeaient de sa vie criminelle, on me cachait tout ça. C’est en grandissant que j’ai compris l’ampleur et les conséquences de ce qu’il faisait. L’amour qu’il avait pour moi contrastait avec ses actes criminels: je dois vivre avec cette contradiction, qui est difficile à accepter.
Tu as toujours refusé les demandes d’entrevues, jusqu’à aujourd’hui. Pourquoi as-tu accepté de parler publiquement, pour la première fois, dans cet épisode hors-série de Famille de criminel?
C’est vraiment important pour moi de dire que je n’aurais jamais accepté de parler et de faire ce projet avec qui que ce soit d’autre que toi, Annie-Soleil. Peu de gens ont vécu la réalité d’une famille de criminel et savent réellement ce que ce milieu implique... Je connaissais ton histoire et je savais qu’avec toi aux commandes, je serais traitée de façon juste, avec empathie, mais aussi avec la volonté de ne rien adoucir.
On tenait toutes les deux à avoir le plus grand respect pour les victimes de la guerre des motards, menée par ton père. Qu’est-ce qui t’a convaincue de parler, dans un contexte aussi délicat?
Toute ma vie, j’ai été habituée à deux sortes de personnes: ou bien les gens me donnent toujours raison parce que je suis la fille de Mom Boucher, ou bien les gens me jugent parce que je suis la fille de Mom Boucher. Avec toi, c’est complètement différent. Tu n’as jamais eu peur de me dire mes quatre vérités, même quand ça me bousculait. Ça ajoute à la confiance qu’on s’est tout de suite offerte, l’une à l’autre. On sait qu’on est dans la vérité. Tu as la sensibilité pour comprendre, mais tu as aussi la conscience et l’objectivité nécessaires pour parler d’un sujet aussi chargé.
Quel message espères-tu partager en racontant ton histoire?
Les enfants de criminels ne choisissent pas de naître dans le monde du crime. J’ai décidé de parler pour protéger mes enfants et leur avenir. J’ai une fille de neuf ans et un garçon de cinq mois, et je ne veux pas que les crimes de mon père se répercutent sur eux. Je ne veux pas qu’ils souffrent, et j’aimerais qu’ils puissent mieux comprendre ma réalité, s’ils le désirent un jour.

Pendant qu’il était incarcéré, ton père t’a impliquée dans un complot pour meurtre. Le juge t’a libérée de cette accusation et tu as été totalement blanchie, mais où en es-tu maintenant, face à cet événement?
Ça me fait encore mal d’en parler, mais je trouve ça essentiel d’être transparente. C’est pour ça que dans l’émission, je raconte toute la vérité sur ce sujet-là aussi. J’aimais tellement mon père que je ne réalisais pas, à l’époque, qu’il m’avait mise en danger en m’impliquant dans un complot. Ça m’a bouleversée quand j’ai fini par comprendre ce qui s’était passé...
Quand tu as été accusée de complot, tu étais enceinte de ta fille. As-tu malgré tout voulu que ton père connaisse sa petite-fille?
Non. Ça m’a brisé le coeur, mais j’ai refusé qu’il connaisse ma fille et je le lui ai dit. Dès que j’ai tenu mon bébé dans mes bras, mon amour le plus grand n’était plus mon père, mais ma fille. Je veux offrir à mes enfants une vie paisible, qui n’est pas hypothéquée par la criminalité de mon père.
J’ai été très touchée par ta franchise et ta lucidité. On n’a rien caché pendant les tournages, et on a même abordé les problèmes de consommation que tu as eus par le passé. As-tu trouvé difficile de te livrer autant?
On se l’est souvent dit toutes les deux: on voulait être vraies, et c’était nécessaire d’aller au fond des choses pour que mon message puisse être entendu. J’ai trouvé ça dur par moments, mais surtout thérapeutique: ça m’a fait du bien. Quand je consommais, j’ai touché le fond, mais c’est là que j’ai choisi de me donner un élan pour changer de vie. J’assume mes erreurs. Cependant, je ne suis pas responsable des crimes que mon père a commis.
Que voudrais-tu que tes enfants retiennent de ton cheminement?
J’aimerais qu’ils sachent que toutes les erreurs ne sont pas pardonnables, mais que, parfois, elles sont explicables. Je veux montrer à mes enfants qu’on peut toujours se relever, et être plus fort. J’aurais aimé que mes parents aient ce déclic; qu’ils assument leurs erreurs et qu’ils changent de vie. Je ne veux pas que mes enfants aient à justifier l’amour qu’ils ont pour moi, comme j’ai à justifier l’amour que je portais à mon père.
Habituellement, j’anime Famille de criminel avec Félix Séguin. Quand je t’ai approchée pour raconter ton histoire, tu avais une condition: tu as refusé catégoriquement qu’il soit impliqué, de quelque manière que ce soit. Pourquoi?
Félix Séguin fait partie des journalistes judiciaires qui écrivent énormément sur mon père, et chaque fois, ça me brise. Je sais qu’il a un travail à faire, et que l’étendue des crimes de mon père devait être rapportée dans les médias... Mais je ne veux pas parler aux journalistes, parce que je considère qu’ils me font aussi porter les choix de mon père. Je te donne un exemple: à la mort de mon père, il y a deux ans, on a publié une photo de moi dans le journal, prise à mon insu. On m’y voyait en train de pleurer, assise par terre, tandis que j’allais disperser les cendres de mon père. Je n’ai pas eu le droit de vivre mon deuil. Je suis capable de comprendre que des gens en veulent à mon père, mais je ne suis pas mon père.
Crois-tu que c’est possible de faire la distinction entre Maurice, le père, et Mom, le criminel?
Les gestes criminels qu’il a posés, je les condamne. On n’a pas fait ce documentaire pour le réhabiliter, je tiens à le dire. Mais la réalité, c’est que les gens n’ont pas qu’une seule face. Est-ce que j’aime Maurice, mon père? Oui. Est-ce que j’aime Mom, le criminel? Non.
À quoi ressemble ta vie familiale à présent?
Le coeur de ma vie, c’est d’être maman. J’aime mes deux enfants plus que tout, et je braverai n’importe quelle tempête pour eux. J’ai aussi un amoureux sur qui je peux compter. Il travaille en informatique, il n’a absolument rien de criminel, et il ne m’a jamais jugée. On va d’ailleurs se marier l’été prochain!
Dans les lettres qu’il t’a écrites lorsqu’il était en prison, ton père disait que c’était important que tu aies un travail et que tu ne dépendes de personne. Comment gagnes-tu ta vie aujourd’hui?
Je suis peintre en bâtiment. J’ai fondé mon entreprise dans ce domaine et j’y mets toute ma passion. Je trace mon propre chemin, je gagne ma vie de façon honnête, et j’en suis fière.
L’épisode hors-série Famille de criminel: Mom, mon père est disponible sur illico+ et sur illicoplus.ca. Les 12 autres épisodes de la série Famille de criminel, saison 1 et saison 2, sont également disponibles.
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