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L'article provient de Clin d'oeil

Alex Nevsky nous parle d’amour, de famille et de son nouvel album lumineux

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Geneviève Jannelle

2019-12-19T13:00:00Z
2023-10-12T23:31:47.599Z
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Il vient tout juste de lancer Chemin sauvage, son quatrième album et le premier depuis qu’il est papa: un disque lumineux et éclaté́. Rencontre à la croisée des chemins, là où l’artiste et le père s’apprivoisent, là où l’art doit composer avec la vraie vie.  

 

 

C’est une belle journée d’automne. Je suis venue à la rencontre d’Alex Nevsky à vélo. En ce vendredi après-midi, assise dans ce café au pied du pont Jacques-Cartier où nous nous sommes donné rendez-vous, je suis aux premières loges pour assister à la débandade automobile du début de week-end.   

Puis Alex Nevsky arrive. Calme et douce, sa vibe efface instantanément le ballet frénétique des conducteurs pressés. Il porte un pull de laine épais et je l’envie, la balade à vélo m’ayant laissée un brin frissonnante.   

Ses boucles brunes s’échappent, indociles, d’un couvre-chef que je serais bien en peine de vous décrire. Tuque? Chapeau? Aucune idée, parce qu’en dessous, il y a ses yeux. Des yeux couleur de ciel d’été qui prennent les vôtres en otage et ne les lâchent plus, effaçant tout ce qu’il y a autour.   

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Nous avons une petite heure pour discuter devant un kombucha acidulé, un sas entre les quatre heures de répétition et l’enregistrement de l’émission Studio G, où il se produira ce soir. J’ai devant moi un artiste avec un horaire de ministre.  

Une jasette pas de cassette  

D’entrée de jeu, il me prévient: ça fait à peine trois jours qu’il est revenu du Portugal où il était parti avec sa petite famille pendant quelques semaines; parti penser à autre chose qu’à son album.   

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C’est la première entrevue qu’il donne pour Chemin sauvage et il n’a pas eu le temps de synthétiser ce qu’il veut en dire: «Je vais être décousu, s’excuse-t-il. Je n’ai pas de recul. Je me sens un peu pris au dépourvu. On dirait que ça m’aurait pris un mois de plus...»   

Cette absence de recul me vaudra une discussion d’une franchise désarmante. D’une humilité rafraîchissante. Alex réfléchit à chacune de mes questions, tente d’y répondre avec honnêteté. Il cherche à comprendre sa création, à l’apprivoiser, en direct, devant moi, alors qu’elle est toute fraîche. La cassette des petites formules toutes faites, qu’on répète d’entrevue en entrevue, n’existe pas encore. Tant mieux pour nous.  

 

 

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Un jeune artiste à ses débuts, plus angoissé, plus désireux de faire montre d’assurance, aurait feint d’avoir toutes les réponses. Un contrôle total. Pas Alex Nevsky.   

Je suis devant un homme, un artiste, qui affiche une sagesse certaine. Qui s’assume. Qui n’a pas peur de se montrer tel qu’il est. Serait-ce sa récente paternité qui lui fait cet effet?  

Conciliation art-famille  

Lui qui est l’heureux papa d’une petite Claire de 15 mois, fruit de son amour avec la pétillante animatrice Vanessa Pilon, me confie avoir eu envie de se concentrer sur un «bébé» à la fois: «J’ai repoussé le moment de l’écriture de cet album le plus possible, parce que je voulais être présent pour tous les moments importants de la grossesse, pour aider... Je voulais être là.»   

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L’arrivée de son premier enfant a donc entraîné une pause, un éloignement de la création, mais elle l’a aussi conduit vers de nouveaux thèmes. Il me raconte d’ailleurs avoir composé «Oh non maman», la huitième pièce de l’album, dans une bulle d’attente fébrile, alors que l’accouchement tardait à se déclencher.   

«On était rendus à 41 semaines et 3 jours. La peur de vieillir m’a happé. Je vais être papa... Est-ce que je vais devenir plate? Est-ce que toute ma vie d’avant va s’effacer? Est-ce que je ne serai maintenant qu’un papa, vieux comme mon père était vieux dans ma tête d’enfant? Ce thème-là, je n’aurais pas pu l’explorer à un autre moment...»  

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Puis, suite à la naissance de sa fille, on le devine, écrire des chansons est devenu le cadet de ses soucis pendant un moment. Un enfant – particulièrement le premier –, ça change une vie.   

Je lui demande comment il arrive à conjuguer carrière artistique et paternité, avec un horaire aussi chargé. La fameuse conciliation travail-famille... «C’est tough, admet-il, il y a une pression, parce que je ne veux rien manquer. Même quelque chose d’aussi ridicule que le premier pipi sur le pot, j’ai envie d’être là! Je ne veux pas me faire raconter la vie de ma fille.»   

D’autant plus que sa douce a le vent dans les voiles, elle aussi! Un nouveau projet télévisuel l’amènera prochainement à voyager dans 13 pays. «Je tripe à la voir s’accomplir et elle tripe à me voir m’accomplir, mais ce n’est pas toujours simple, la gestion des horaires... Tout va bien aller», ajoute-t-il, comme pour s’en convaincre lui-même.  

 

 

Il m’avoue du même souffle que même lorsqu’il est à la maison, sa nouvelle réalité familiale n’est pas sans affecter sa création: «Le paradigme de création n’est plus du tout le même. Il n’y a plus d’urgence d’écrire. Jamais. Et c’est rendu difficile de trouver ces moments-là.   

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Chaque fois que je m’installe au piano, ma fille court vers moi, tend les bras, elle veut jouer. Et je trouve ça magnifique, alors on joue ensemble, s’attendrit-il en riant. Mais je n’ai jamais plus d’une minute, seul à mon piano.»  

C’est pourquoi, pour arriver à mener son nouveau projet à terme, il lui a fallu créer ces moments de toutes pièces. Aller dans un chalet avec des amis musiciens et réalisateurs. Organiser une résidence de création à Valcourt. Faire naître des bulles de création.   

Je prends des notes, moi qui n’ai plus publié un seul roman depuis que je suis maman...  

Un chemin aux multiples détours  

Chemin sauvage porte bien son nom, car son histoire est tout sauf une ligne droite. Alors que l’on connaît surtout Alex Nevsky pour ses airs accrocheurs, un brin candides, l’auteur-compositeur-interprète affirme avoir toujours livré un moitié-moitié: cinq chansons lumineuses, cinq chansons sombres.   

Or, cette fois-ci, après plusieurs mois de travail, alors qu’il était tout près du but, Alex s’est arrêté et a réalisé qu’il n’avait pas envie de mélancolie. Le désir d’un disque joyeux montait en lui. Un disque très «hop la vie».   

«Les chansons les plus tristes, poétiques et sombres, ce sont toujours mes favorites. Mais un album, tu le traînes pendant des mois, en tournée... S’il est mélancolique, tu restes pris avec ce sentiment. Sur scène, tu as une certaine obligation de rendre justice à la mélancolie de la pièce. Là, j’ai décidé de ne faire que des chansons lumineuses et de partir avec un sac à dos plus léger.»   

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C’est ainsi que, tout près de la date où l’album aurait dû être terminé, Alex s’est mis à écarter la moitié des pièces, se retrouvant avec un trou de cinq chansons à combler. (Psitt! Sachez que deux magnifiques chansons tristes, coécrites avec Pierre Lapointe, ont été gardées pour un futur projet.)  

En marge de ce désir de légèreté, Alex Nevsky avait tout simplement envie d’aller ailleurs, de ne pas se répéter. «Plein d’artistes que j’aime beaucoup, à leur troisième ou quatrième album, au moment de la paternité ou encore quand leur vie devient plus sédentaire, se répètent constamment.»   

Et le Alex Nevsky de 2019, amoureux heureux, jeune papa fier, ayant quitté la ville pour élever ses poules au grand air, au pied du mont Rougemont, a eu peur que cette répétitivité le guette.   

Lui pour qui l’amour naissant a toujours été un thème fécond a voulu s’assurer que la stabilité de sa vie amoureuse ne tue pas sa capacité à se réinventer: «La vraie vie, ça peut être une aventure amoureuse en soi, mais t’as moins de vagues, alors j’ai eu envie d’aller chercher les vagues des autres.»  

De là les multiples collaborations que l’on trouve sur ce nouvel opus. Alex s’est entouré d’artistes qui l’inspirent, leur confiant la délicate mission de l’emmener ailleurs: Claudia Bouvette, Sophia Bel, Benny Adam et Alaclair Ensemble. «Alaclair Ensemble, c’est mon groupe rap favori. Ça m’a tout pris pour les appeler. Je me sentais comme un fan, pas comme un artiste qui appelle un autre artiste.»   

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Sans égo, avide d’étonnement, Alex a donné énormément de liberté à ses collaborateurs, s’est laissé inspirer par leur façon de travailler, par leurs thèmes et leurs mots, différents des siens. «C’était très libérateur de ne pas être seul à porter cet album. Je m’en fous que ce ne soit pas moi à 100 % dans les crédits. Je voulais juste me faire surprendre; par moi, par les autres, par le produit final qui ne ressemblerait pas du tout à ce que j’aurais fait tout seul. Et si moi, ça me surprend, ça risque de surprendre les gens aussi.»  

Alex m’admet qu’il s’est aussi permis d’être un brin calculateur, de tenter de prévoir le chemin de certaines pièces, de cocher des cases, tout en s’amusant et en restant intègre.   

 

 

Il avait envie de s’armer pour la scène et pour les festivals, entre autres, là où les chansons tristes qu’il aime tant créent des creux de vague. Il avait envie, aussi, de se payer le petit luxe d’une chanson qui est, selon ses propres dires, presque un pastiche de lui-même: «Du beau Alex Nevsky 2013, lance-t-il en riant. Mais en show, c’est l’fun, ces chansons-là, ces papapapapa, ces ouh-ouh-ouh que le public fredonne avec moi.»  

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La liberté offerte à ses collaborateurs, il se l’est aussi octroyée à lui-même: Chemin sauvage est bel et bien un album... sauvage. Libéré.   

Verseau ascendant Lion  

En abordant avec lui le sujet de son siège de coach à La Voix, qu’il a choisi de quitter, nous nous sommes retrouvés à parler... d’astrologie. «J’ai toujours voulu qu’on écoute mes chansons. Mais avec La Voix, à un moment donné, mes chansons n’étaient plus tellement importantes. Tout ce qu’on voulait voir, c’était moi. Je n’étais plus à l’aise. J’avais signé pour que mes tounes soient des vedettes, pas moi.»   

Or, Alex m’avoue qu’il y a une partie de lui qui la veut, cette attention, qui a besoin d’être entendue. «C’est très contradictoire», grimace-t-il.   

Et c’est là que les signes du zodiaque s’invitent à notre table, sous le sourire narquois d’Alex: «Un jour, ma blonde m’a emmené sur un site d’astrologie un peu ridicule et j’ai appris que j’étais Verseau ascendant Lion. Je ne suis pas du tout du type astrologie, mais j’ai lu la description, et boum!, je me suis dit: Ben oui, voilà, ce site, horoscope.machin.je-sais-pas-quoi, a tout compris. Il y a une partie de moi qui déteste être le centre de l’attention, qui voudrait se cacher quand les gens le regardent... et il y a mon ascendant Lion qui, lui, veut beaucoup, beaucoup d’attention, qui veut être reconnu, qui a cette soif-là. Alors c’est toujours en conflit.»  

Mais n’est-ce pas justement du conflit, du choc entre deux êtres, deux choses, deux pensées, deux réalités, que naît toujours la création? Tout au long de ma discussion avec Alex Nevsky, les sphères privées et professionnelles se sont mêlées, se sont entrechoquées, aussi indissociables dans ses propos qu’elles le sont dans sa vie. Et ce choc de deux parties de lui, de l’artiste et de l’homme, l’a emmené ailleurs, créativement. Ça s’entend.  

Je sirote les dernières gouttes de mon kombucha. Alex aussi. J’en profite pour lui lancer une dernière question, concernant le titre de son œuvre, que je trouve si beau. Il a une moue mi-amusée, mi-gênée: «Chemin sauvage, comme titre de chanson, ça faisait allusion au parcours amoureux. L’amour, c’est vraiment un chemin sauvage, mais on va le trouver, le tracer, le défricher ensemble... Mais pourquoi c’est devenu le titre de l’album, l’histoire est trop nulle... Faudrait que j’en invente une autre...»   

Il me l’a racontée, la petite histoire nulle. Mais je ne vous en dirai rien. Je vais le laisser roder sa cassette d’ici la prochaine entrevue.   

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