Action collective pour la vente de données personnelles: Postes Canada demande l’immunité, le juge refuse
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![Photo portrait de Julien McEvoy](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fm1.quebecormedia.com%2Femp%2Femp%2F013887c01b74f-967e-4e88-82bf-53db85838a68_ORIGINAL.jpg&w=3840&q=75)
Julien McEvoy
Accusée de vendre nos données personnelles aux plus offrants et sans notre permission, Postes Canada a plaidé en cour qu’une société de la Couronne devrait avoir l’immunité, ce qui n’a pas convaincu le juge.
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La Cour supérieure a autorisé, jeudi, une demande d’exercer une action collective contre la société d’État. On lui réclame 2,5 milliards de dollars en dédommagement pour la vente des données de tous les Québécois depuis 2020.
Le recours cible le programme Marketing Intelliposte à travers lequel Postes Canada organise les noms et les renseignements de tous ceux qui ont une adresse postale afin de les commercialiser.
Les revenus tirés de ce «marketing direct» ont été d’environ 300 M$ au Québec en 2022 et de 954 M$ pour tout le Canada. C’était 922 M$ en 2021.
«Ils savent ce qu’on reçoit comme colis, comme lettre, ils colligent des listes précises qui génèrent des revenus, mais ils ne nous redonnent rien. Ils ne nous demandent même pas la permission», résume un des avocats au dossier, Réjean Paul Forget.
La question, dit-il, n’est pas de savoir si Postes Canada a le droit de vendre ces données, mais plutôt d’établir la façon juste et légale de le faire.
Actuellement, Marketing Intelliposte tient le consentement des Québécois et des Canadiens pour acquis, car il faut se retirer du programme soi-même si on refuse d’y participer.
La Société canadienne des postes a 30 jours pour demander la permission d’en appeler du jugement.
L’immunité demandée
La société d’État a plaidé l’immunité de la Couronne devant le juge Martin F. Sheehan, en novembre, à Montréal.
«Postes Canada soumet qu’à titre de mandataire de la Couronne, elle bénéficie de l’immunité pour tout geste commis aux fins publiques qu’elle est autorisée à poursuivre en vertu de sa mission», peut-on lire dans la décision rendue le 14 janvier.
C’est l’une des questions que le juge aura à traiter. Postes Canada peut-elle invoquer son mandat, ce qui inclut faire du profit, afin de traiter ses clients de la sorte?
Il faudra aussi trancher pour savoir si les renseignements personnels ont été utilisés sans le consentement de leurs propriétaires et si l’obtention de ce consentement est obligatoire avant de collecter des données dans le but de les vendre.
Troisième prise
Si Postes Canada ne fait pas appel, la suite des choses s’annonce similaire à un procès.
«La cour va se pencher sur le droit à la protection des données personnelles, c’est un enjeu important et on est bien content», se réjouit Réjean Paul Forget, du cabinet Perrier Avocats.
En mai 2024, le commissaire à la protection de la vie privée avait écorché Postes Canada en lui reprochant de ne pas avoir eu l’autorisation de ses clients avant de vendre leurs renseignements personnels.
Ce n’est pas parce que les administrations postales du Royaume-Uni, de l’Australie, de l’Allemagne, de la France, de la Suède, de la Finlande, de l’Espagne et des États-Unis vendent aussi de telles listes qu’il faut présumer qu’elles l’ont fait sans avoir obtenu le consentement des gens, admonestait alors le commissaire.