Abolition du financement populaire de partis politiques: «un piège» tendu au PQ, selon une experte
Patrick Bellerose
Avec sa proposition d’abolir le financement populaire des partis politiques, François Legault cherche à couper l’herbe sous le pied du Parti Québécois, en tête des sondages, selon une professeure membre du comité de suivi des recommandations de la commission Charbonneau.
• À lire aussi: Dons politiques: la CAQ renonce au financement populaire
Jeudi, le premier ministre a annoncé que la CAQ renoncera, jusqu’à nouvel ordre, aux dons du public, afin de dissiper tous doutes sur l’accès des donateurs aux ministres. Il a invité publiquement les partis d’opposition à en faire de même.
«Je trouve que c’est une proposition piège qui vise à punir le Parti Québécois, qui a augmenté son financement populaire, alors que ce n’est pas nécessaire de le faire. La CAQ a juste à arrêter d’organiser des cocktails de financement où on monnaie l’accès à un ministre pour faire avancer des dossiers», affirme Martine Valois, professeure de droit à l’Université de Montréal.
Avec d’autres experts et personnalités publiques, Mme Valois a fait partie du comité public de suivi des recommandations de la commission Charbonneau, un groupe non partisan qui s’est donné le mandat de veiller aux retombées des travaux.
La manœuvre, plaide-t-elle, vise à nuire à la capacité des troupes péquistes de s’organiser en vue des prochaines élections, tandis que la CAQ continuera de recevoir la part du lion du financement étatique, établi en fonction du nombre de votes.
«Ce n’est pas parce qu’il y a une situation qui s’est présentée, où on n’a pas respecté la culture de l’intégrité, qu’on doit priver les citoyens de pouvoir faire un don à leur parti politique», affirme la professeure.
Un droit pour les citoyens
Pour le politologue André Lamoureux, abolir le financement populaire, comme le propose la CAQ, viendrait carrément entraver la liberté de choix des citoyens.
«Si on ne comptait que sur l’État pour financer les partis politiques, ça ne respecterait pas les choix de tous les citoyens», souligne le chargé de cours au Département de science politique à l’UQAM.
Certains citoyens veulent appuyer un parti qui a reçu peu de votes aux dernières élections, ou carrément une nouvelle formation politique qui ne reçoit pas de financement étatique.
Les dons privés agissent donc comme un contrepoids à l’argent versé par l’État, estime M. Lamoureux.
La commissaire devra trancher
Dans tout ce débat, la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale devra trancher une question importante, dans le cadre des deux plaintes présentement sur son bureau: l’accès à un ministre grâce à un don lors d’un cocktail de financement représente-t-il une «contrepartie»?
«Il existe, dans le Code d’éthique et de déontologie, une disposition sur le fait qu’on ne doit pas solliciter un don en retour d’une contrepartie ou un avantage», rappelle Mme Valois.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.