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L'article provient de TVA Sports
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À quand une entraîneuse québécoise au football professionnel?

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Philippe Asselin

2022-03-07T21:51:44Z
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En février, Tanya Walter a brisé un plafond de verre de la Ligue canadienne de football (LCF) en obtenant le poste d’adjointe en défensive chez les Lions de la Colombie-Britannique.

L’Albertaine est la première femme à mettre la main sur un poste à temps plein comme entraîneuse dans le circuit. À quand une entraîneuse québécoise? 

Il est bien difficile de répondre à cette question. Les femmes qui pratiquent ce métier sont encore très rares dans la Belle Province, mais elles existent.

Pour Sonia Rodi, voir Tanya Walter être embauchée dans la LCF représente une source de motivation incroyable.

«C’est comme un soulagement et c’est excitant, dit la coordonnatrice défensive de l’équipe pee-wee des Vikings de Gatineau. Mes collègues entraîneurs, ce sont tous des hommes. En tant que femme, ce n’est pas évident d’avancer dans le métier d’entraîneur parmi tant d’hommes.»

«J’ai capoté, soutient l’adjointe en offensive du Vert & Or de l’Université Sherbrooke, Ariane Chiasson. C’est un pas de plus pour les femmes dans le sport. Nous sommes de plus en plus de femmes à prendre notre place. Nous prouvons que ce n’est pas parce que ton sexe est différent que tu es moins compétente. Nous avons longtemps été exclues du football et nous y avons notre place.»

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Faire ses preuves 

Notre société a fait des pas de géants dans les dernières années en ce qui concerne l’inclusion et le monde du football n’y fait pas exception. Malgré cela, ce n’est pas toujours facile d’être différent dans un milieu plutôt homogène.

«Quand je participe à des cliniques d’entraîneurs, je suis toujours la seule femme, soulève Sonia Rodi. Lors de celle organisée par le Rouge et Noir [d’Ottawa], nous étions 150 et j’étais la seule femme. Quand les entraîneurs de l’équipe remarquaient ma présence dans la salle, ils devenaient mal à l’aise et ne savaient plus comment parler. Ils disaient : "Nous avons une femme parmi nous et je m’excuse pour mon langage".

«Je me demandais pourquoi ils changeaient leur façon de faire. Ils n’étaient pas capables de me voir comme un entraîneur, mais juste comme une femme.»

Celle qui est aussi entraîneuse-cheffe des Capital Rebels, une formation toute féminine de football avec contact établie à Ottawa, croit cependant que les gens arrêtent d’avoir des préjugés sur les entraîneuses quand ils les côtoient. C’est aussi le constat que dresse l’entraîneuse de la ligne offensive avec l’équipe juvénile des Sphinx du Collège de l’Assomption, Chantal L’Espérance.

«Quand les gens prennent le temps de te connaître, ils réalisent qu’une femme peut faire le travail de coach

«Cela a représenté un certain défi, mais jamais je n’ai vécu ça avec mes joueurs. C’était plutôt avec d’autres entraîneurs ou des parents. J’ai évidemment déjà ressenti que je devais prouver des choses qu’un homme n’aurait pas à prouver.»

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L’ouverture des jeunes 

Le cas d’Ariane Chiasson est un peu différent, même si elle a également dû démontrer son savoir-faire. La jeune femme de 22 ans a amorcé sa carrière d’entraîneuse directement au niveau universitaire.

L’entraîneur-chef du Vert & Or, Mathieu Lecompte, n’a pas hésité à lui donner sa chance en 2020, et ce, en sachant très bien que cela ne créerait aucune vague dans son vestiaire.

«Nous sommes ailleurs complètement. Il y a 10 ou 20 ans, c’était pratiquement inimaginable d’avoir une femme dans un environnement comme celui du football universitaire», affirme-t-il.

«Le changement vient des jeunes que l’on entraîne. Ils ont été élevés avec une ouverture face à la diversité. Ça serait mentir de dire qu’il y a des efforts qui ont été mis pour obtenir plus d’acceptation de la part de notre groupe d’entraîneurs. C’est vraiment venu avec un changement de mentalité qui existe chez nos jeunes», ajoute l’homme de football.

«J’ai vu une opportunité avec Ariane en sachant très bien que mon vestiaire allait être accueillant.»

Chantal L’Espérance partage la vision du pilote universitaire.

«Les jeunes sont tellement ouverts. Ce qu’ils veulent, c’est apprendre de leur entraîneur. Ça n’a pas d’importance que ce soit un homme ou une femme», clame celle qui évolue dans le monde du football depuis une dizaine d’années.

Offrir l’opportunité 

Pour qu’une femme devienne la première Québécoise entraîneuse dans la Ligue canadienne de football (LCF), il faudra que quelqu’un lui offre cette opportunité.

«Ça prend simplement la bonne personne, au bon poste et au bon moment. C’est juste ça», indique l’entraîneuse de la ligne à l’attaque de l’équipe juvénile des Sphinx du Collège de l’Assomption, Chantal L’Espérance.

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«La personne qui procède à l’embauche d’une femme pour un poste habituellement réservé aux hommes, elle regarde simplement la compétence. Pas son sexe.»

C’est ce qu’on fait les Lions de la Colombie-Britannique avec Tanya Walter, ce que les Bills de Buffalo ont fait avec Kathryn Smith et ce qu’a fait l’entraîneur-chef du Vert & Or de l’Université Sherbrooke, Mathieu Lecompte, avec Ariane Chiasson.

Le directeur général Danny Maciocia aimerait bien être celui qui embauche la première entraîneuse de l’histoire des Alouettes de Montréal.

«Nous travaillons sur un projet chez les Alouettes qui a comme objectif d’accueillir une entraîneuse ou une administratrice pendant les trois semaines de notre prochain camp d’entraînement», révèle le DG.

«C’était un plan que nous voulions mettre en place il y a deux ans, mais nous n’avons pas eu de saison en 2020 et c’était interdit d’avoir personne d’autre que nos joueurs et nos entraîneurs avec nous pendant le camp 2021. On espère pouvoir être en mesure de l’exécuter cette année.

«Je souhaite vraiment qu’il y ait de plus en plus de femmes dans notre domaine.»

En retard? 

Kathryn Smith, la première entraîneuse à temps plein dans la NFL, a été embauchée par les Bills en 2016. La LCF a franchi cette étape six ans plus tard. Sommes-nous en retard au Canada?

«Je ne sais pas si nous sommes en retard. Mais une chose est sûre, c’est qu’il faut que ce type d’embauche se fasse pour les bonnes raisons, affirme Danny Maciocia. Ça ne doit pas être quelque chose de populaire pour les prochaines années et qu’on passe ensuite à autre chose. L’important, c’est de donner une opportunité à quelqu’un de qualifié pour les bonnes raisons.»

La culture du football au Canada est évidemment beaucoup moins développée que chez nos voisins du sud. Cela explique peut-être pourquoi il y a moins de femmes canadiennes prêtes à faire le saut dans la LCF.

«Que ce soit des hommes ou des femmes, quelqu’un qui choisit le métier d’entraîneur doit le faire pour les bonnes raisons. Nous voyons de plus en plus de femmes qui sont prêtes à faire des sacrifices et à s’impliquer pour obtenir un poste», se réjouit le directeur général des Alouettes.

«Mes trois filles ont grandi dans le football. Ils ont vécu plein d’expériences avec moi, ajoute Maciocia. Aujourd’hui, elles expriment leur opinion sur comment je devrais gérer les Alouettes. Si un jour elles veulent travailler dans le football, j’espère qu’elles en auront l’opportunité.»

- La LCF a l’intention d’établir un programme pour favoriser l’embauche d’entraîneuses dans son circuit. Il reste encore des détails à peaufiner, mais une annonce devrait être faite au printemps.

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