À l’ère des changements climatiques, on a besoin des météorologues
Julien Lamoureux
Les dérèglements du climat amèneront les météorologues à être plus que jamais de bons communicateurs. «Les extrêmes vont être de plus en plus extrêmes et de plus en plus fréquents. On a un rôle à jouer dans l’explication de ces phénomènes», évalue Catherine Aubry, étudiante à la maîtrise en sciences de l’atmosphère à l’UQAM.
«C’est en quelque sorte notre principal rôle, de mettre en garde les gens [pour les préparer] aux canicules, aux orages...», ajoute celle qui travaille également chez Météo Média. Tout ça dans le but d’éviter les blessures et les décès qui peuvent survenir pendant les événements météo extrêmes, en hiver comme en été.
«C’est facile de présenter une icône [sur une application mobile], de dire “il va faire 6 degrés aujourd’hui, 40 % de précipitations”. [...] Notre job, c’est de vulgariser ces informations» pour que le public sache comment les interpréter, renchérit Catherine Aubry.
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Mathieu Lachapelle, candidat au doctorat en sciences de la Terre et de l’atmosphère à l’UQAM, ajoute que les changements climatiques rendent les météorologues incontournables, et pas seulement pour leur capacité à faire des prévisions pour le grand public.
Installé au centre de la station météorologique de recherche de l’UQAM, sur le toit du pavillon Président-Kennedy, il explique que «la météo, ça a des impacts sur tout. Les transports, l’agriculture... Les gens ont besoin de savoir, par exemple, est-ce que ça vaut la peine de développer ma station de ski, ou dans 30 ans ça va être fini? C’est des questions qui ne sont pas triviales.»
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Les météorologues vont donc devoir offrir leurs conseils dans une multitude de domaines différents, que ce soit pour prévoir les grandes tendances des prochaines années ou pour faire des prévisions dans un horizon de quelques jours ou semaines.
Donner la parole aux météorologues
René Laprise, directeur des programmes de premier cycle au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère à l’UQAM, croit dont que c’est primordial que les présentateurs météo aient une formation scientifique.
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C’est d’autant plus vrai lorsque se produisent des phénomènes spectaculaires, comme ceux qu’évoque Catherine Aubry. Le physicien de formation donne l’exemple des inondations : il faut pouvoir rapporter ce qui se passe, mais aussi tenter d’interpréter ce qui s’en vient; pour les sinistrés, c’est une question primordiale.
C’est pourquoi il y a maintenant un cours de communication dans le programme de météorologie à l’UQAM... ce qui est à des années-lumière de l’attention portée à cette compétence lorsque René Laprise était lui-même étudiant, il y a presque 50 ans. «J’étais dans une génération où on faisait nos cours de physique et on ne parlait jamais de communication.»
Les limites
Ces prévisions sont d’ailleurs assez fiables, assure René Laprise, même si on a parfois l’impression que les bulletins météo nous induisent en erreur. Selon lui, on est capable d’être aussi précis dans un horizon de cinq jours que ce qu’on arrivait à prédire pour trois jours il y a 20 ans.
«On a gagné deux jours en deux décennies», se réjouit le professeur.
Cela dit, il existe encore des défis, et c’est particulièrement vrai au Québec, où, chaque année, on reçoit à peu près tous les types de précipitations qui existent.
Il y a par exemple les averses très localisées, qu’il appelle «averses de beau temps». Un orage commence à se former au-dessus de Montréal en début d’après-midi. Va-t-il exploser d’ici la soirée? Et si oui, les précipitations tomberont où?
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Les météorologues peuvent établir une prévision assez fiable pour une région. «Mais les gens veulent pas savoir s’il va pleuvoir ou pas à Montréal, ils veulent savoir s’il va pleuvoir ou pas dans leur cour.» C’est une limite des modèles qui sont actuellement utilisés.
Il est aussi difficile de savoir ce qui va se produire lorsque le mercure est proche de zéro. Est-ce que ça va tomber en pluie, en neige, en verglas? Les nombreux redoux que connaissent nos hivers rendent cette question particulièrement pressante.
C’est d’ailleurs ce sur quoi Mathieu Lachapelle concentre présentement son doctorat. Il adore l’idée d’œuvrer dans un domaine scientifique avec lequel les gens sont en contact sur une base quotidienne.
«J’étais en physique quantique avant. J’en parlais aux gens... et les gens s’en foutaient! Là, je suis dans un domaine dont je peux jaser avec le monde», se rappelle-t-il, sourire aux lèvres.
«On expérimente chaque jour la météo. C’est plus motivant pour moi de travailler sur un truc avec lequel j’ai une relation», conclut-il.