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Culture

À l’aube de ses 66 ans, Dominique Bertrand s’ouvre sur le privilège de vieillir

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Samuel Pradier

2024-03-15T10:00:00Z
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Icône de l’élégance raffinée, Dominique Bertrand voit passer les années avec indifférence, dans le sens où vieillir est un privilège qu’elle savoure pleinement. Elle a accepté de nous livrer ses conseils pour rester une femme séduisante et énergique malgré le poids des ans. À l’aube de ses 66 ans, la romancière est d’ailleurs toujours très active, puisque son dernier roman va bientôt sortir en France et qu’elle a déjà commencé le suivant.

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Dominique, vous qui avez été beaucoup regardée et photographiée en tant que mannequin, comment acceptez-vous le fait de vieillir?

Je vais avoir 66 ans le 21 mars. Ce n’est pas si vieux, mais c’est un âge qui commence à être honorable. Comme je n’ai jamais basé mon identité sur mon apparence, même si je me suis beaucoup amusée avec mon style, ç’a toujours été un jeu. J’ai toujours aimé me pomponner, me coiffer, me maquiller et trouver de beaux vêtements, mais ça ne m’a jamais définie comme personne. Ainsi, je n’ai pas l’impression de perdre une partie de celle que je suis en vieillissant. J’ai aussi l’impression que vieillir est un plus. Il y a des femmes qui voient dans le fait de vieillir une perte de quelque chose, une perte de qualité de vie, pas moi. Je vois plutôt la vieillesse comme une libération.

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Avez-vous l’impression de vieillir dans le regard des autres?

Je suis de plus en plus indifférente à l’opinion des autres, aux jugements que les gens pourraient porter sur moi. Je m’en fous. Vieillir apporte une liberté incroyable, c’est aussi une liberté qui se traduit dans une espèce de relâchement au quotidien. Si je dois aller à l’épicerie alors que je ne suis pas maquillée ni coiffée, j’y vais pareil. Plus jeune, je me serais dit que je ne pouvais pas sortir comme ça. Aujourd’hui, je m’en moque. En vieillissant, on s’assume.

Il n’y a pas que le corps qui prend de l’âge, l’esprit peut aussi devenir moins vif. Qu’en pensez-vous?

Il se passe un phénomène intéressant en vieillissant: nos qualités deviennent de plus en plus merveilleuses et nos défauts de plus en plus exécrables. Ma fille m’a toujours dit que j’allais devenir une vieille maudite. Je n’ai pas de patience, et maintenant, j’en ai encore moins. Par contre, j’ai encore plus d’empathie, encore plus de générosité, des qualités que j’ai toujours eues depuis mon enfance. J’ai encore plus envie d’aider les gens. Même dans l’écriture, c’est une façon pour moi de faire réfléchir les gens, de les mettre face à des situations de la vie qui vont les amener à trouver des solutions à leurs propres problèmes. Vieillir est finalement très complexe. Ce n’est pas juste la perte de tonus, les seins qui tombent et les rides qui se creusent, c’est beaucoup plus complexe et beaucoup plus riche que ça.

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Aimeriez-vous retourner à vos 20 ans?

Jamais de la vie! À cet âge-là, on ne connaît rien de la vie, on a peur de tout. En plus, j’étais une anxieuse dans le tapis. Aujourd’hui, l’anxiété est toujours là, ça fait partie de ma personnalité profonde et ce n’est pas pour rien que je vois un psychiatre depuis 20 ans. En vieillissant, il y a quelque chose qui s’allège. On a une meilleure connaissance de la vie, et ça nous en prend beaucoup plus pour nous jeter en bas de notre chaise.

Qu’est-ce qui vous permet de vieillir avec cette élégance assumée qui vous caractérise?

D’abord, je n’essaie pas de cacher mon âge. Je vais avoir 66 ans et je le dis, c’est la réalité. Je pense que vivre dans la vérité amène une certaine élégance, ça facilite les rapports avec les autres. C’est beaucoup plus facile d’exister dans la vérité que dans les mensonges, c’est aussi plus facile d’être fidèle à soi-même quand on ne se ment pas.

Depuis quelques années, vous arborez une chevelure grise. Est-ce une autre façon d’être dans la vérité?

C’est arrivé dans une période où mon père était mourant. Il a été malade pendant très longtemps, et j’allais le voir tous les jours. Je m’en occupais avec ma mère, et je n’avais pas le temps d’aller chez le coiffeur. Des racines grises sont apparues, et je me suis dit que c’était pas mal. J’ai eu l’aide d’une bonne coloriste pour faire la transition et, maintenant, je ne changerais jamais ça. C’est sûr que ça annonce mon âge, mais il faut que je sois franche, je ne me laisse pas dépérir non plus. Je fais un peu de botox, pas des affaires extrêmes, mais je fais de l’entretien. J’aime beaucoup la métaphore de la maison. Quand on achète une maison ancestrale, on ne veut pas la rénover pour qu’elle ressemble à un condo neuf du centre-ville. On va repeindre la clôture, on va planter des fleurs, mais ça va toujours être la même maison. Vieillir, c’est la même chose, il faut s’entretenir.

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Est-ce que vous faites cet entretien pour vous ou pour le regard des autres?

Le regard des autres, on s’en fiche. C’est mon regard qui est le plus important, c’est moi qui m’impose des limites. Les autres peuvent dire tout ce qu’ils veulent sur moi, ce n’est pas important. Ce qui compte, c’est que je sois bien dans ma peau. Je ne suis pas aussi bien que je le voudrais, mais je travaille fort pour y arriver. Je regarde ma mère, qui aura 93 ans prochainement. Elle a toute sa tête, elle nage plusieurs fois par semaine, elle a un groupe d’amis très proches, elle s’intéresse à l’opéra et au théâtre, et c’est aussi une grande lectrice. Elle est très inspirante. Je pense aussi que quand on vieillit en étant aimé, ça change tout. Je suis aussi chanceuse, j’ai un mari qui m’aime, une fille qui m’aime et une petite-fille qui m’adore, ma mère est encore présente, et j’ai un public qui m’est fidèle depuis mes premières apparitions à la télévision. Malgré le temps qui passe, quand l’amour reste, c’est encourageant.

Rester dans l’action est une chose essentielle pour bien vieillir, selon vous?

Exactement. Je dirais même que c’est souvent l’occasion de faire ce dont on a toujours eu envie, et que l’existence ne nous a pas permis de faire parce qu’il fallait gagner sa vie, élever des enfants... On a finalement du temps pour faire ces choses-là, c’est toute une plage de liberté qui s’ouvre. Et en même temps, on a la liberté de faire une petite sieste dans l’aprèsmidi, de prendre du vin en mangeant à midi, sans avoir le souci de travailler après... Ça donne toutes sortes de liberté qu’on n’avait pas avant.

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Votre dernier roman, Des jardins secrets remplis d’orties, met en scène deux personnages qui décident de changer de trajectoire de vie. Comment est née cette histoire?

Je pars souvent de la réalité lorsque j’écris. Je n’en peux plus d’ouvrir le journal tous les matins et de voir défiler des féminicides, des violences faites aux femmes, des abus sur des enfants, des femmes violentées, des enfants maltraités... Je ne suis plus capable de lire ça, et parfois, j’aurais le goût de venger toutes ces victimes. Je suis donc partie du fantasme de régler leur compte à tous ces écoeurants, et j’ai permis à mon personnage d’aller au bout de cette idée. Pour moi, ç’a été extrêmement salvateur. Des femmes qui ont vécu de la violence, y compris sexuelle, et des adultes qui ont subi des abus dans leur enfance me disent que ça fait du bien de lire ça. C’est un livre noir, mais aussi très lumineux. Le message est que, lorsqu’on s’unit, on peut surmonter nos épreuves, et qu’il est possible de changer la direction de sa vie. On peut la réinventer. Tant que ce n’est pas fini, ce n’est pas fini.

On en parlait juste avant, l’amour est aussi un moteur pour vos personnages, non?

Quand il y a de l’amour, tout est possible. Les gens malades guérissent mieux quand ils sont aimés, c’est prouvé scientifiquement. L’amour a une puissance incroyable. Et ce n’est pas forcément de l’amour des gens proches, ça peut aussi être l’amour de personnes qu’on ne connaît pas. Dans ce roman, ce sont des gens qui n’ont rien à voir ensemble. Ils viennent de milieux différents, pourtant, ils sont semblables au fond de leur coeur, et c’est d’ouvrir leur coeur à l’autre qui leur permet d’éviter que le reste de leur vie soit épouvantable.

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Les droits du livre ont été achetés pour la production d’une série, et le roman sort en France à l’automne prochain. Qu’est-ce que ça représente pour vous?

C’est comme une consécration, ça m’ouvre tout un autre marché. C’est tellement dur d’écrire! Plus on sent que son livre est apprécié, plus on se dit qu’on n’a pas travaillé pour rien. C’est une grande satisfaction et un grand honneur.

Avez-vous commencé un nouveau projet?

Je me suis relancée dans l’écriture, et j’ai eu le malheur de dire ça à mon éditeur... qui s’est empressé de me donner une date butoir pour remettre mon manuscrit! Depuis, j’écris comme une folle; je suis là-dessus matin, midi et soir. Un auteur très connu a déjà dit: on n’aime pas écrire, mais on aime avoir écrit. C’est exactement ça. L’acte d’écrire est laborieux, mais quand je me relis et que c’est bon, c’est ma paie de la journée.

Des jardins secrets remplis d’orties, de Dominique Bertrand, est disponible en librairie.

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