À la veille de ses 50 ans, Julie Bélanger ressent une certaine urgence
Joël Legendre
Le premier souvenir qui me revient en tête quand je pense à Julie date de la période où elle animait Les chefs!. J’avais été invité à participer à l’émission en tant que juge pour l’épisode qui portait sur le végétarisme. Aussitôt que l’émission a commencé, Julie et moi avions été pris d’un fou rire monumental, au point où il avait fallu interrompre le tournage. Si je vous racontais l’anecdote à l’origine de ce fou rire, ça vous laisserait probablement de glace. Fallait être là, comme on dit! Bref, c’est ainsi que notre amitié est née. Maintenant, chaque fois qu’on se rencontre, nos échanges se font sous le signe de l’humour, de la douceur et une bienveillance réciproque. Rencontre avec une femme sereine, accomplie et lumineuse.
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Julie, tu as eu 49 ans il y a a à peine un mois. Comment vis-tu cette dernière année avant le passage à la prochaine décennie?
Dans ma tête, j'ai déjà 50 ans! De toute façon, j'ai déjà amorcé ma 50e année — comme bien des gens aiment me le rappeler! (rires) Mais ça me rend tellement heureuse! Je me sens plus forte et plus en contrôle de ma vie que jamais. Je suis plus assumée aussi. J'ai longtemps longé les murs... Je ne voulais pas trop de lumière, car ça me faisait peur. Aujourd'hui, ça me fait du bien de ne plus être dans cet état. Par ailleurs, à l'approche de la cinquantaine, je vis aussi une certaine urgence. Je ne veux plus perdre mon temps inutilement ni me casser la tête. Je veux m'amuser.
Lorsque j'ai eu 50 ans, j'ai eu envie de faire un bilan. Es-tu aussi dans cet état d'esprit?
À chacun de mes anniversaires, je vis toujours un moment de grande mélancolie. Le jour même de ma fête, il y a inévitablement un moment où je pleure.
As-tu saisi pourquoi tu vis ça?
C'est parce que je me rends compte du temps qui passe et que les gens que j'aime ne sont pas éternels. Je commence à perdre certaines de ces personnes... Même si je sais que c'est naturel, ça m'attriste.
Dirais-tu que l'approche de la cinquantaine t'aide à t'affirmer davantage?
Certainement. Au fil des années, j'ai fait un apprentissage. J'ai appris à me respecter beaucoup plus. Quand quelque chose ne me convient pas, je suis capable de le dire et aussi, maintenant, de le faire dans la douceur.
Ça n'a pas toujours été le cas?
Quand j'ai vraiment commencé à m'affirmer, j'avais tellement accumulé de frustrations que ça sortait souvent tout croche. Je n'avais pas beaucoup d'expérience dans l'affirmation de soi. (rires)
Pourtant, je sens que la douceur est maintenant au premier plan...
Tout à fait! Je sais que je peux être ferme et conséquente avec la personne que je suis afin de faire en sorte que ma vie me ressemble. C’est pour toutes ces raisons que la cinquantaine ne me fait pas peur: les choix que j’ai faits dans les dernières années correspondent entièrement à mes valeurs et à qui je suis.
Julie, on t’a beaucoup entendue parler du pardon ces derniers mois. D’où vient ce désir de pardonner?
Ce fut un long processus. Si je pense, par exemple, à Mélanie Maynard... J’ai gardé en moi une forme de colère pendant 14 ans. C’est te dire à quel point je peux être rancunière! (rires) Avant, quand j’étais blessée, je fermais la porte rapidement et pour longtemps. Il était impossible d’entrer de nouveau dans ma maison.
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Qu’est-ce que le pardon t’a appris?
Je ne m’en rendais pas compte, mais c’était à moi que je faisais le plus de mal en entretenant ce poison-là. J’étais fatiguée de vivre avec une boule au ventre chaque fois que je voyais Mélanie dans les médias. Alors, je me suis dit qu’il fallait que je sois une grande fille et que je règle ça!
Et quand ce processus de pardon est-il apparu en rapport avec Mélanie?
Dès les premières rencontres de production pour la série documentaire Imparfaite, j’ai eu envie d’aborder le thème du pardon. C’est là que j’ai pensé à ma collègue de Deux filles le matin. Comme je voulais être dans la vérité et l’authenticité, j’ai lancé l’idée de régler les choses avec elle. J’étais vraiment fière de mon flash, mais après coup, j’ai réalisé qu’il fallait maintenant que je le fasse! (rires)
Et comment se sont passés les premiers instants de cette rencontre?
J’étais très fière de Mélanie, car j’étais consciente que ça lui prenait beaucoup de courage pour venir me rencontrer. Elle ne savait pas du tout à quoi s’attendre; ça se passait dans ma maison et, de surcroît, c’était moi qui l’interviewais.
Dirais-tu que le temps avait fait son œuvre?
Bien sûr! On avait mûri et évolué chacune de notre côté. Pour ma part, quand j’ai fait un burnout, j’ai consulté et j’ai toujours continué la thérapie par la suite. Ça aussi, ça joue pour beaucoup dans la balance.
Qu’est-ce que t’apporte la psychothérapie?
Ça fait partie de mon hygiène mentale pour me garder saine et sur le bon chemin. Mais je me suis rendu compte qu’il y a des blessures qui mettent des années à guérir. Et je sais que j’aurai toujours certaines fragilités malgré les consultations. Mais maintenant, quand quelque chose me perturbe, j’arrive à l’identifier plus rapidement. J’espère sincèrement que j’ai réglé beaucoup de choses par rapport au pardon et que, si jamais quelqu’un me blesse un jour, je ne prendrai plus 14 ans avant de lui pardonner. (rires)
Tu as choisi de quitter ton poste à la radio il y a maintenant plus d’un an et demi. Comment vis-tu ce départ aujourd’hui? La radio te manque-t-elle?
Pas du tout! J’étais allée au bout de mon expérience dans ce médium. Je ne suis pas fermée à l’idée de retourner derrière un micro un jour, car la radio a toujours eu une belle place dans ma vie. Au début de ma carrière, j’en ai fait à Québec pendant six ans, puis je n’ai rien fait à la radio pendant des années. J’ai été ensuite à l’antenne de Rythme pendant 14 ans.
Dirais-tu que tu te sens plus libre depuis que tu n’as plus ce travail à accomplir au quotidien?
Tellement! Avant, j’avais toujours la radio en tête. Si je regardais une série, s’il m’arrivait un truc bizarre ou heureux, j’avais développé le réflexe de m’en souvenir pour en parler le lendemain. À un moment donné, j’ai eu l’impression que j’avais donné tout mon jus et que j’avais besoin de vivre autre chose. Mais avec le recul, je dois admettre que ç’a été un grand vertige pour moi de prendre cette décision, car ça restait quand même mon travail principal. J’ai fait le pari d’écouter ma petite voix intérieure et non pas ma peur de me tromper. Un autre chemin est en train de se tracer pour moi, et ça me rend tellement heureuse.
Et parallèlement à tout ça est arrivée la série documentaire Imparfaite...
Oui. Je ne pouvais pas passer à côté de ça! Je me suis rendu compte que j’avais envie de créer et de faire de l’espace dans ma vie pour entrer dans cette bulle créative.
Et est-ce cet espace créatif qui t’a donné envie de créer des bijoux?
Tout à fait! Si j’avais été à la radio quotidiennement, je n’aurais pas pu accepter cette offre.
Justement, comment cela est-il arrivé dans ta vie?
Je travaille avec une nouvelle styliste depuis un an. Un jour, elle m’a apporté des bijoux d’une jeune compagnie montréalaise, DRAE collection, sur le plateau de Ça finit bien la semaine. Je les ai trouvés vraiment élégants et punchés. Les membres de l’équipe de DRAE ont remarqué que je portais leurs bijoux et ils m’ont proposé de créer une collection en collaboration avec moi.
Comment as-tu créé tes propres bijoux?
Je me suis investie dès les premières rencontres. J’avais déjà des images de ce que j’aimais, et on a créé la ligne directrice de ma collection.
C’est tout un honneur!
Bien sûr. Mais au-delà de ça, j’ai été agréablement surprise que deux jeunes filles dans la trentaine pensent à une femme qui a presque 50 ans pour devenir le visage d’une collection. C’est très girl power! On peut montrer aux femmes qu’elles peuvent être belles et fortes à 50 ans! Il faut célébrer ça!
Parlant de célébrer, tu as fêté tes 10 ans de mariage avec Ken l’année dernière. Si tu avais à choisir un seul mot pour décrire ta relation avec lui, ce serait lequel?
Je choisirais le mot «sain». Notre relation est vraiment saine. Ça fait maintenant 18 ans que nous sommes ensemble et, bien sûr, comme n’importe quel couple, on a eu nos hauts et nos bas — surtout qu’on est deux têtes fortes et qu’on est capables de s’affronter! (rires) Le bon côté dans tout ça, c’est qu’on est aussi capables de désamorcer rapidement les impasses et d’avoir une bonne discussion.
On dit souvent que la clé d’une relation de couple harmonieuse, c’est justement la communication...
Je suis tellement d’accord avec ça! Pour ma part, j’ai besoin d’aller au fond des choses, d’avoir une proximité émotionnelle avec l’autre et de comprendre où il en est dans sa vie et dans son cœur.
Qui démarre vos discussions?
C’est moi! Je suis celle qui lève le drapeau quand je sens qu’on se perd de vue et qu’on se laisse happer par nos tourbillons respectifs. Heureusement, mon chum a la capacité de se montrer vulnérable.
Et j’imagine que tu exiges cette forme d’introspection dans toutes tes relations...
Je réalise que je ne peux être en relation avec des gens qui ne sont pas réellement eux-mêmes. Si tu as une façade avec moi, on ne sera pas en relation.
As-tu beaucoup d’amis?
J’en ai très peu en fait. J’ai des amies que j’ai depuis toujours et avec qui je ris encore des mêmes affaires que lorsque nous nous sommes rencontrées plus jeunes, mais avec qui je peux aussi être tout à fait moi-même. On est quatre amies unies à la vie, à la mort. On est capables d’être heureuses du succès des autres et on est aussi présentes quand plus rien ne va. On est là pour accueillir l’autre et surtout, il n’y a jamais de jugement. Ce quatuor d’amies est vraiment un pilier dans ma vie.
Ta mère et ton père sont aussi des piliers pour toi. Comment envisages-tu le fait qu’ils vieillissent eux aussi?
Je suis dans le déni complet! (rires) Ils sont en parfaite santé et ça me réjouit, mais quand je commence à penser à la vieillesse, ça m’angoisse, car je suis loin d’eux. Ce bout-là de la vie m’effraie, je dois l’avouer. Perdre les gens que j’aime sera ma plus grande épreuve. Mais pour l’instant, je profite de chaque seconde. On commence déjà à penser à Noël.
Tu es une amoureuse de Noël, je crois...
Oui! Encore cette année, on va réveillonner sur la Côte-Nord dans la maison familiale. Tout le monde est en santé. Pour moi, ça vaut de l’or. À partir du 1er décembre, on commence à installer les décorations, et j’embarque à fond dans le mois de Noël.
Ton frère est-il présent avec vous pendant le temps des fêtes?
Oui. Et en plus, il a deux enfants maintenant. Emma, qui a 10 ans, et Félix, qui a 5 mois et pour qui ce sera le premier Noël. Je me trouve chanceuse d’avoir des enfants dans ma vie. Je suis tellement heureuse de mon rôle de tante. Quand il y a des enfants autour de nous, ça ajoute de la magie.
Qu’est-ce que je pourrais te souhaiter pour la suite de ce processus que tu as enclenché il y a un an et demi déjà?
De continuer à m’épanouir et à oser faire ce qui monte en moi. Je veux que la cinquantaine soit une décennie sous le signe de la créativité. Je veux aussi continuer Ça finit bien la semaine le plus longtemps possible. Je me trouve chanceuse d’avoir cette belle émission dans ma vie. Je veux me donner le droit d’être pleinement qui je suis et de foncer, peu importe ce que les autres pourront en dire. J’ai l’impression de redevenir qui j’étais. La petite Julie qui m’habitait enfant, je lui donne enfin le droit de profiter de la vie au lieu de l’éteindre.
En jasant avec toi, Julie, je me rends compte à quel point la thérapie finit toujours par épurer notre vie et nous mettre sur notre voie de belle façon. En enlevant les masques, on finit par toucher l’essence de qui nous sommes, et la vie nous donne toutes les opportunités d’avancer dans l’authenticité. Merci de cette grande ouverture lors de notre entretien. Je sais que tu auras su inspirer nos lecteurs.
Ça finit bien la semaine, le vendredi à 19 h, à TVA.
La série documentaire Imparfaite est disponible sur Vrai.
Julie est l’égérie de la collection de bijoux J.U.L.I.E X DRAE. Pour en savoir plus sur sa collection.