À 78 ans, Yves Corbeil fait un retour remarqué à la télé
Érick Rémy
Il y avait longtemps qu’on l’avait vu sur nos écrans. À 78 ans, Yves Corbeil fait un retour remarqué dans Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits). Il y incarne, sous forme de caméos, le père d’un populaire animateur télé d’émission matinale dont la vie amoureuse et la célébrité sont réduites en cendres à cause de son problème de consommation.
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«Puisque j’ai trois enfants et cinq petits-enfants, j’ai puisé dans mon expérience de vie pour jouer ce rôle. Même que Nicolas Pinson, qui incarne Chuck, m’appelait papa sur le plateau. (rires) Nous ne jouions pas, nous étions l’un et l’autre! Mon personnage a une grande connivence avec son fils, qui ne s’entend pas du tout avec sa mère. Il se sent coupable de ce qui lui arrive. Comme c’est souvent le cas entre pères et fils, parce qu’ils sont gênés et orgueilleux, ils n’expriment pas beaucoup leurs émotions. Leur relation est à la fois touchante et troublante», explique le comédien et animateur. Bien placé pour connaître la pression que vivent les gens qui sont à la barre d’émissions quotidiennes, ayant lui-même été animateur de Bonjour matin, l’ancêtre de Salut Bonjour, Yves Corbeil départage la réalité de la fiction.
«Quand on connaît les exigences d’une telle tâche, on se demande comment Chuck fait pour être sur le party! (rires) Animer une émission matinale exige qu’on se couche très tôt pour se lever aux petites heures. Là où l’histoire devient plausible, c’est parce qu’elle se situe dans l’univers de la télévision et du showbiz. Il est très facile d’y perdre pied. Le plaisir est accessible, les invitations ne manquent pas et les tentations sont nombreuses. Par chance, j’avais une femme, des enfants et je devais aller me coucher pour travailler le lendemain matin.»
L’équilibre en toute chose
Le personnage principal de Chuck, accro à la cocaïne, jongle entre succès et déchéance nocturne jusqu’au moment où un geste, en apparence banal, fera en sorte que l’ampleur de son problème de comportement sera exposée sur les réseaux sociaux. «Moi, mon exutoire a été le sport. Je jouais au tennis et faisais beaucoup de vélo. Pour relaxer, je lisais. Là où j’allais chercher mon adrénaline, c’était en étant un accro à l’actualité. J’ai essayé une ou deux fois de fumer du pot et je n’ai pas aimé ça. Quant à l’alcool, c’était incompatible avec mon horaire.»
On estime que 10 % de la population mondiale, soit environ 800 millions de personnes, souffrent d’une forme de dépendance. «J’ai vu des collègues sombrer autour de moi. La ligne est mince, mais on est tous des humains, donc imparfaits.» Comment expliquer une telle emprise des dépendances à l’alcool, aux drogues, au sexe, voire à la célébrité ou à l’argent dans nos sociétés modernes? Il réfléchit longuement avant de répondre... «Je crois qu’on va trop souvent vers la facilité. On tente de combler nos vides par d’autres vides. Lors de notre bref passage sur la terre, il faut se demander ce qu’on vient faire ici, et surtout se fixer des buts. Après avoir passé huit ans dans un collège classique, à André-Grasset, et ensuite quelques années à l’université, j’ai développé ma pensée et mon sens critique. Cet encadrement m’a été bénéfique. Je crois que la cassure entre la religion et la vie moderne a été trop soudaine. L’Église avait bien des torts, mais elle nous poussait à avoir une réflexion sur la vie.»
En toute transparence
Sans vouloir le mettre dans l’embarras puisqu’il a été, durant plus d’une trentaine d’années, porte-parole de Loto-Québec et que le jeu fait partie des dépendances, nous lui avons demandé s’il avait le sentiment d’y avoir indirectement contribué. «C’est une bonne question. Je suis contre le jeu! Et venant de moi, je sais que cela va avoir l’air bizarre. Lorsqu’on m’a demandé de faire des tirages, j’ai voulu savoir pourquoi. On m’avait dit que j’avais l’air d’un gars chanceux. Je leur avais répondu que je ne jouais jamais. (rires) Les seuls jeux auxquels je m’adonne sont les échecs et le bridge, et il n’y a aucun gain en argent.»
De l’importance de l’humour
Yves Corbeil en impose encore. Sa voix grave et distinctive en a fait, pendant très longtemps, l’une des plus prisées pour le doublage; il a notamment été la voix d’Arnold Schwarzenegger et de Tim Allen. Il a aussi fait des voix hors champ, a été porte-parole publicitaire, animateur télé (Fais-moi un dessin), mais également acteur (Les belles histoires des pays d’en haut, Peau de banane). Il s’est même risqué à plusieurs reprises à jouer des rôles à contre-emploi que d’autres n’auraient pas osé accepter. A-t-il eu peur qu’on le prenne trop au sérieux? «J’ai toujours eu un bon sens de la dérision. Quand j’animais l’émission du matin à TVA, je faisais beaucoup d’imitations et de caricatures. Un jour, Les Grandes Gueules, José Gaudet et Mario Tessier, qui m’imitaient à la radio, m’avaient invité à leur émission. J’y étais allé pour me moquer de moi-même. Ils n’en revenaient pas de mon sens de l’humour!»
L’animateur légendaire, qui aura 79 ans le 18 juillet, est encore actif, mais surtout satisfait d’en faire un peu moins. Contrairement à bien d’autres qui s’en sont plaints, lui a fait bon usage du repos que la pandémie a imposé. Ce temps lui a permis de faire le point sur ce qu’il espère vivre dans les prochaines années. «J’aimerais refaire du théâtre. J’aime le contact direct avec le public. Devant les gens, on ne peut pas tricher. Pour le reste, puisque ma femme, Michèle Bibeau, mes trois enfants et cinq petits-enfants sont en santé, je suis comblé. L’an prochain, ça fera 60 ans qu’on est mariés», mentionne, plein de gratitude, celui qui n’a jamais acheté de billet de tirage, mais qui estime avoir gagné le gros lot à la loterie de la vie.
Voyez Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits) sur Crave.
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