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Culture

À 48 ans, Catherine Trudeau est beaucoup plus en paix avec son métier

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Michèle Lemieux

2023-10-02T10:00:00Z
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Même si elle n’a pas tendance à dresser des bilans, Catherine Trudeau doit admettre que l’année s’y prête. À 48 ans, elle voit la cinquantaine approcher à grands pas, compte 25 ans de métier et 20 ans de vie de couple, en plus d’être la maman de deux garçons qui cheminent lentement vers l'autonomie. Lors de la plus récente remise des prix Gémeaux, elle a été honorée pour son rôle dans Les moments parfaits, le cinquième Gémeaux de sa carrière. Reconnaissante, celle qui s’apprête à faire ses adieux à Catherine, un personnage pivot qu’elle a incarné avec bonheur, entrevoit ce tournant comme une occasion de prendre soin d’elle.

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Catherine, que symbolise pour vous ce Gémeaux que vous venez de remporter?
Il représente tellement de choses! Il clôt trois ans de ma vie passés à porter ce rôle avec l'équipe. C'est un rôle taillé sur mesure pour moi. Au cours d'une carrière, certains rôles sont plus déterminants que d'autres. Celui de Catherine en est un pour moi. C’est un accomplissement, la reconnaissance de mes pairs qui ont jugé que c’est moi qui devais remporter ce prix, même s’il est toujours subjectif de juger la performance. Pour moi, ce prix symbolise toutes les rencontres déterminantes que j’ai faites sur ce projet: le réalisateur, mes collègues de travail, les jeunes qui jouent mes enfants, les amitiés que j’ai créées avec l’équipe technique. C’est tout cela que ce trophée pourra me rappeler.     

PAUL DUCHARME PHOTOGRAPHE
PAUL DUCHARME PHOTOGRAPHE

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Avec qui voudriez-vous le partager?
Ce trophée appartient d’abord à François Bégin, le réalisateur de la série. Notre vie et notre métier sont faits de rendez-vous. Certains sont plus marquants que d’autres. Je savais que j’étais prête à porter un rôle comme celui de Catherine. Je l’attendais, je l’espérais. En audition, François et moi, nous nous sommes rencontrés. Quand j’étais jeune, je regardais des téléromans avec ma mère. C’était notre rendez-vous. Je ne rêvais pas de ce métier, mais j’aime penser que ça a grandi en moi de manière subtile. Aujourd’hui, je fais ce métier et je trouve magnifique de pouvoir à mon tour faire vivre toutes sortes d’émotions aux gens...     

La dernière saison des Moments parfaits est commencée. Que pouvez-vous nous en dire?
J’ai terminé les tournages le 21 juin. Je suis en processus de deuil. Pendant trois ans, j'ai partagé mon quotidien avec les acteurs et les membres de l'équipe technique. Cela représentait une certaine stabilité malgré l'instabilité inhérente à notre métier. Je suis fière de ce que vous avons fait et j'espère que les gens nous suivront jusqu'à la fin. Il y a quelque chose de beau qui s'en vient pour tous les personnages. J'ai adoré mon rôle, qui est arrivé au bon moment dans ma vie. Je sentais que Catherine, mon personnage, vivait un peu la même chose que moi. Mais c'est terminé. C'est un peu vertigineux...   

Photo : Eric Myre
Photo : Eric Myre

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Parce que l’agenda des prochains mois est libre?
En 2024, je serai dans Le père, un beau projet au Théâtre du Nouveau Monde (TNM), avec entre autres Marc Messier. Le texte porte sur la démence du père. Par moments, c’est comique. C’est très émouvant. Nous allons par la suite présenter la pièce en tournée à travers le Québec. Ça m’emballe beaucoup. J’ai aussi de l’écriture au programme. Mais cet automne, en télé et en cinéma, je n’ai rien de prévu.     

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Vous composez bien avec les périodes de jachère?
J’avoue que l’été, je ne tiens pas toujours à ce que le téléphone sonne... (sourire) Comme lorsque j’étais petite, j’ai envie d’être en vacances, de me baigner, de planter des fleurs, de faire du vélo, de me lever tard.

Pour profiter au maximum de la vie familiale?
Oui, parce qu’il reste moins de temps. Mes enfants vieillissent. Bientôt, ils ne suivront plus. Alors l’été, si je peux ne pas travailler, je ne déteste pas ça. Mais quand l’automne arrive, tout le monde rentre à son poste...     

Vous avez le profil de la bonne élève qui est heureuse de rentrer en classe...
(Rires) Je suis effectivement une bonne élève. À l’automne, tout le monde retourne là où il doit être. Mes gars sont retournés à l’école, mon chum, lui, est retourné au bureau. La routine a repris son cours. Avec le métier que je fais, il n’y a pas beaucoup de routine. Donc, pouvoir en trouver une, je vois ça d’un bon œil. Ça me permet notamment de me consacrer à la rédaction de mes projets. Je suis dans une période où j’ai envie de prendre soin de moi. Autant sur le plan mental que sur les plans physique et émotionnel. Je trouve que c’est un travail à temps plein. (sourire)     

Mari Photographe
Mari Photographe

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Qu’est-ce qui vous amène à vouloir le faire?
Mon âge. Les hormones. J’ai 48 ans et je sens que je change. Il y a de bons côtés à ça. Dans ma tête, je suis plus en paix avec beaucoup de choses, notamment avec mon métier. Mais je sens quand même qu’il y a un désordre hormonal effectif.

C’est une invitation à prendre du temps pour vous?
Oui. Je suis consciente que chaque fois que je fais des choses pour moi, c’est payant pour tout le monde, moi en premier! C’est quelque chose qui vient avec la sagesse. J’ai toujours été une fille très raisonnable. Si je ne l’étais pas, je me ferais violence.

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Prendre soin de vous ressemble à quoi?
Je fais du yoga, du Pilates, des étirements, des exercices de respiration. J’écoute des balados qui me font du bien et je marche des kilomètres. Je ne peux pas courir, car j'ai les chevilles blessées. J'alterne, car je m’ennuie. Je nage aussi. Je veux recommencer à lire pour moi. Je lis beaucoup pour mon travail, j’apprends des textes, j’écris des livres, alors quand j’ai du temps, je n’ai pas le goût de lire; j’écoute des films ou des séries. Cet été, j’ai renoué avec la lecture et je compte lire encore plus cet automne.

Qu’est-ce que le yoga et le Pilates vous apportent?
J’essaie de lutter contre le fait d’être toujours dans ma tête. Mon métier se passe avec les mots, dans le cœur, dans l’émotion, dans la respiration. Je vais donc y puiser une aisance, une certaine flexibilité au niveau de mon corps, mais cela ne peut qu’avoir de bonnes répercussions sur mon moral. C’est du temps pour moi. Je m’oblige à m’arrêter, à lâcher prise sur la pression des obligations ménagères. Après tout, ça ne coûte rien de s’étirer... Ça me permet de donner un congé au hamster dans ma tête... Quand je fais mes 30 minutes de yoga, je ne démarre pas ma journée de la même manière. Je suis plus calme, plus posée. Ça m’amène de la souplesse partout: au corps et au mental.

Vous êtes à l’étape où, après vous être investie comme mère, vous récupérez du temps pour la femme?
Tout à fait. Je sais que, pour beaucoup de parents, c’est une période vertigineuse de sentir que nos enfants ont moins besoin de nous. Je suis à une étape où je dois y voir le positif. Je trouve ça beau. Je me rappelle que je les rends autonomes et que c’est ultimement ce que nous voulons pour nos enfants. Je dis toujours qu’Élie et Miro ne m’appartiennent pas. J’essaie de faire de mon mieux. Je m’investis pour les rendre autonomes et qu’ils soient fiers de leurs progrès. J’avais ce temps avant d’avoir des enfants. J’étais heureuse et accomplie de plein d’autres façons. C’est donc une redéfinition. J’approche de 50 ans. C’est le mitan de la vie. Il me reste encore beaucoup de temps, c’est à moi de décider ce que je veux en faire. 

MARIO BEAUREGARD/AGENCE QMI
MARIO BEAUREGARD/AGENCE QMI

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C’est une belle période, quand même.
Oui, c’est beau et c’est ainsi que je veux voir cette période. Je m’entoure naturellement de personnes beaucoup plus jeunes que moi. J’ai beaucoup d’amis qui ont entre 25 et 30 ans. Ça me fait un bien infini de me coller à eux. Ils m’aident à réfléchir. J’ai l’impression que ça m’empêche de mal vieillir. J’essaie de comprendre leurs grands courants de pensée, j’aime échanger avec eux. Ce sont des acteurs qui sont mes enfants dans Les moments parfaits. Ils me challengent et je les challenge. J’aime ces joutes. Parfois, sur les plateaux, certains des jeunes acteurs ont plus d’expérience que moi. Quoique ça arrive de moins en moins souvent, car je cumulerai 25 ans de métier l’an prochain...

Déjà 25 ans!
Oui, je suis vraiment choyée. J’ai toujours eu du travail. C’est une autre réalité à laquelle je me frotte: j’avance vers mes 50 ans... Moi, je n’ai aucun doute: je veux jouer dans la vie. Je pense que j’ai encore une place dans ce métier, mais nous sommes nombreuses à la vouloir cette place. Est-ce que ce qui inspire les créateurs, ce sont des femmes de mon âge? Je l’ignore. Beaucoup d’actrices de mon âge relatent ce passage à vide de la cinquantaine, même des aînées. Est-ce qu’il y a assez de rôles pour toutes ces actrices? Je l’espère. Ma nature prudente fait en sorte que j’essaie de me protéger. Si je devais traverser une période plus tranquille, j’y serai préparée, mais je souhaite que ça ne soit pas le cas. 

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La cinquantaine et vos 25 ans de carrière vous amènent-ils à dresser une certaine forme de bilan?
Oui, à certains égards. Je ne crois pas être une fille qui fait régulièrement des bilans... Je fais un bilan avec la fin des Moments parfaits parce que c’est la fin d’une période. Quelque chose se termine, alors je n’ai pas le choix. Le bilan professionnel doit se faire, car je dois réfléchir à la suite des choses, même si je ne décide pas tout. Le bilan personnel vient avec mes enfants qui avancent en âge. Je dois réfléchir à ma place comme mère, comme femme. Autre chiffre important: cette année, ça fait 20 ans que je suis avec mon conjoint. C’est une vie, 20 ans! 

C’est une grande réussite personnelle?
Quand je regarde autour de moi, je dirais que nous ne sommes pas nombreux à être encore ensemble après si longtemps. Prendre soin de moi, c’est aussi ça: m’arrêter pour être dans mon corps, mon cœur, mon esprit. Ça n’a rien d’ésotérique. Dans ces moments, les choses qu’il faudrait changer ou qui nous feraient du bien remontent à la surface de façon naturelle. Je ne pourrais pas m’asseoir avec un papier et un crayon pour faire le bilan. Je ne saurais pas comment... Je comptabiliserais quoi? Mes réussites? Mes doutes?      

Tous ces gros chiffres démontrent que vous vous plaisez dans la continuité, dans le long terme?
Je pense que c’est la contrepartie de mon domaine. Dans l’instabilité, je suis malheureuse... Mon travail est instable, mais le reste — ma famille, mes relations, mes amis, mon chum —, c’est ma continuité et ma routine. Depuis trois ans, j’avais une routine sur le plan professionnel. Je pouvais refuser des trucs qui ne me branchaient pas. Là, je suis plus dans une zone d’incertitude professionnelle. Cela étant dit, j’ai du théâtre au programme et j’écris des livres. Mon cinquième livre, Folle école 2, vient tout juste d’être publié. L’histoire tourne autour des poux. Les parents font la grève: ils barricadent l’école. Ils sont écœurés de laver des draps et de faire des shampoings! Les enfants resteront donc prisonniers de l’école tant qu’on ne sera pas parvenu à gérer les poux... Ces projets de livres sont nés parce que j’avais du temps. J’avais moins de travail, mais j’avais besoin de créer. C’est viscéral. Je peux cuisiner un gâteau, aménager un jardin. Quand il y a de l’espace, j’ai du temps pour créer autre chose. Je ne suis pas celle qui attend que le téléphone sonne... 

Écrire vous donne-t-il le sentiment d’avoir un tant soit peu de pouvoir sur votre carrière?
Complètement. Même si j’ai un cadre, c’est moi qui décide quand j’écris. J’écris pour les 6-8 ans. J’adore! C’est l’un des rares domaines de mon métier où je décide de quelque chose... 

Les moments parfaits est diffusée les mercredis à 20 h, sur les ondes de TVA.
Folle école 2 est publié dans la collection Je lis seul.e aux Éditions de La Bagnole.
Catherine Trudeau est ambassadrice de la zone festive à Longueuil.

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