Violence par armes à feu: ces 6 solutions pourraient être mises en place à Montréal
Mathieu Carbasse
La violence liée à l’utilisation des armes à feu à Montréal ne doit pas être vue comme une fatalité. L’équipe du 24 heures a interrogé différents spécialistes pour leur demander des pistes de solution efficaces qui pourraient enrayer cette spirale négative en quelques années.
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1. Éclairer et repeupler les rues et les parcs
«Il faut revitaliser les communautés dévitalisées pour couper localement les racines de la violence. À New York, par exemple, on a remis les gens dans la rue, dans les parcs en organisant des vigiles. Certaines villes américaines aussi ont misé sur la lumière en éclairant des endroits clés. Ce sont des choses de base mais qui fonctionnent. Pour que la violence s’installe, rien de pire que des rues vides. Il faut aussi aller à la rencontre des leaders locaux, églises, gangs, acteurs communautaires et leur parler.»
«Il faudrait recréer un lien entre les autorités et la population en faisant en sorte que les policiers soient accompagnés sur le terrain par des gens qui ne sont pas des policiers. Par exemple, dans le cas d’une intervention liée à un cas de santé mentale, il faut appeler une ambulance avant de sortir des armes.»
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2. Utiliser davantage les douaniers
«Il faudrait mettre en place une politique nationale pour que le mandat des agents frontaliers soit étendu afin de leur permettre de patrouiller avec la GRC, entre les postes frontières. Pour l’instant, notre mandat est limité à ces seuls postes frontières, c’est dommage. C’est la même chose au niveau des points d’entrée maritimes. Nous pourrions assister la GRC entre les postes frontières car nos agents ont l’expertise pour lutter efficacement contre le trafic d’armes à feu. Que ce soit par exemple nos chiens détecteurs, nos agents de renseignements, nos méthodes pour lutter contre la dissimulation des armes, etc., toutes ces expertises ne sont pas utilisées entre les postes frontières. C’est un manque. Notre expertise pourrait être mieux utilisée.»
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3. Investir dans la prévention auprès des jeunes
«Les solutions sont globales. Il faut agir de manière préventive par le retrait des armes de la rue. En ce sens, les escouades de lutte aux armes illégales sont importantes, mais également mettre les ressources nécessaires pour faire de la prévention auprès des jeunes en ce qui concerne la violence. L'accessibilité aux armes par le web est aussi un problème à considérer. Donc, les actions ne se situent pas seulement au niveau de la répression, mais aussi en prévention et dans l'éducation qu'on donne à nos enfants à la maison.»
Maria Mourani, criminologue et sociologue, présidente de Mourani-Criminologie
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4. Augmenter le financement des organismes communautaires des quartiers périphériques
«Ce n’est pas nouveau, mais il faut plus d’investissements pour les organismes communautaires, car il y a un manque criant de ressources, un manque d’attention vis-à-vis de la jeunesse de Montréal-Nord. Il y a ici des enjeux structurels et nous demandons des réponses structurelles.»
«Il faut des investissements dans la prévention, tandis qu’on a plutôt tendance à voir des coupures. Si on avait investi massivement après la mort de Fredy Villanueva (abattu par un policier du SPVM lors d'une intervention policière dans l'arrondissement Montréal-Nord en 2008, ndlr), on ne serait pas dans cette situation aujourd’hui. Il faudrait embaucher plus de gens qui viennent des quartiers périphériques. Quand tu as grandi dans ces quartiers, ça change l’approche.»
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«On dit souvent qu’on a laissé tomber la jeunesse pendant la pandémie, mais ça fait en fait longtemps qu’on l’a laissée tomber. Et si les jeunes n’ont pas de mentor, de modèles, ils sont laissés à eux-mêmes...»
5. S’inspirer de ce qui fonctionne ailleurs
«À Montréal, on pourrait commencer par mettre sur pied un plan qui sera géré par la Ville, comme en Ontario, créer un bureau de réduction de la violence et établir un diagnostic précis. Pour ce faire, il faudrait obtenir du financement de la Ville, de la province et du fédéral à hauteur de 10% du budget actuel du SPVM. Si une ville comme Montréal suivait le modèle de Glasgow, je suis sûr que dans les prochains quatre ans, on pourrait constater une diminution de la violence de 50%!»
«La stratégie de la Ville de Glasgow, en Écosse, est basée sur le diagnostic et sur la recherche de résultats. Comment? En mandatant premièrement des spécialistes en santé publique pour qu’ils s’intéressent aux sources du problème: d’où viennent ces délinquants? Quels sont leurs antécédents judiciaires? Dans quel contexte ont-ils tué? Ensuite, il faut mobiliser les différents secteurs (éducation, santé, services sociaux, emploi, etc.), embaucher plus de travailleurs de rue pour rejoindre les jeunes et les convaincre de sortir du cercle de la violence. Mais le plus important: être focalisés sur les résultats, sur la réduction des homicides en obligeant tous les acteurs à rendre des comptes.
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«Il faut aussi mettre davantage de ressources dans les urgences des hôpitaux. Quand un jeune blessé par arme blanche ou par arme à feu arrive aux urgences, il est en position de grande vulnérabilité et c’est à ce moment qu’il faut créer un dialogue avec lui, en mettant l’accent sur le fait qu’il doit changer d’attitude. La Ville de Londres s’est d’ailleurs inspirée de ce modèle qui se fait en collaboration avec la police, mais attention, ce n’est pas la police qui dirige le programme.»
6. Éviter une surutilisation de la police
«On fait une erreur quand on demande à la police de prévenir la violence. Si la police était vraiment capable de savoir qui va utiliser une arme sur quelqu’un d’autre, ça serait très bien d’avoir plus de policiers. Le problème, c’est que les policiers vont se mettre à la recherche de gens qu’ils voient comme des potentiels criminels, ils vont interpeller de nombreuses personnes, surtout des personnes noires. Et ils vont arrêter beaucoup de monde pour des raisons qui n’ont souvent rien à voir avec la violence par arme à feu. Ce n’est pas à travers la police que nous allons réduire la violence dans la ville.»
«On devrait plutôt essayer de mieux comprendre deux choses: pourquoi des personnes veulent acheter des armes et, surtout, pourquoi elles veulent les utiliser? Ces questions ne sont jamais soulevées, mais ce sont les plus importantes.»
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