6 raisons pour lesquelles il faut encore parler de VIH en 2022
Gabriel Ouimet
Même si on en parle moins depuis le début de la pandémie de COVID-19, le VIH continue à faire des ravages partout dans le monde. Malgré des percées encourageantes, il demeure incurable et la planète doit recommencer à s’y intéresser, plaident des spécialistes.
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Voici donc six raisons pour lesquelles il faut encore (et plus que jamais) parler du VIH en 2022.
1- Le VIH est mortel
Le VIH, c’est le virus responsable de la maladie du sida. Il affaiblit le système immunitaire, ce qui rend l’organisme plus vulnérable, explique le chef de file en la matière au Canada et président-directeur général de la clinique l’Actuel, le Dr Réjean Thomas.
«Il attaque le chef d’orchestre du système immunitaire et le détruit tranquillement», explique le spécialiste, qui a participé cette semaine à Montréal à la 24e Conférence internationale sur le sida.
«Ça peut prendre des années. Plus le temps avance, plus le système immunitaire s’affaiblit, ce qui peut mener à des infections comme des pneumonies rares, des atteintes du système nerveux central ou encore des cancers.»
Mortel s’il n’est pas traité, le virus se transmet par le sang et les relations sexuelles. Il est possible de le contracter lors d’une relation sexuelle non protégée avec un porteur du virus ou en s’injectant de la drogue avec une aiguille infectée. Une mère porteuse du virus et non traitée peut le transmettre à son enfant à la naissance.
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2- La pandémie de VIH fait toujours rage
Le virus a tué plus de 30 millions de personnes depuis son apparition dans les années 1980. Bien qu’il fasse aujourd’hui moins de victimes grâce aux progrès réalisés pour le combattre, il est toujours bien présent.
«On parle encore d’une pandémie. En 2022, il y a encore 38 millions de personnes qui vivent avec le VIH dans le monde. Il y a aussi 1,5 million de nouvelles infections annuellement. Une personne en meurt toutes les minutes, soit des dizaines de milliers de décès par mois. L’an dernier, elle [la maladie du sida] a tué 650 000 personnes dans le monde», affirme le Dr Thomas.
Et le Québec n’y échappe pas: environ 16 000 personnes vivent avec la maladie dans la province, et on dénombre entre 300 et 600 nouvelles infections chaque année, seulement à Montréal, indique le Dr Thomas.
3- La COVID-19 a fait reculer la lutte contre le VIH
Diminution du dépistage et de la recherche, difficultés d’accès aux traitements: la pandémie de COVID-19 a nuit à la lutte contre le VIH, soutient le président de la clinique l’Actuel, où sont suivi des centaines de patients séropositifs à Montréal.
«Au Québec, plusieurs cliniques de dépistage ont fermé. Les gens avaient difficilement accès à leur médecin et aux traitements. Moi j’ai des patients qui ont perdu leur emploi, donc leurs assurances, et qui ont cessé leur traitement parce qu’ils n’étaient pas capables de se le payer», déplore le médecin.
L’impact de la pandémie de COVID-19 s’est fait encore plus ressentir dans des pays plus pauvres, poursuit l’expert en VIH du CHUM, le Dr Nicolas Chomont.
«Plusieurs pays ont eu des problèmes d’approvisionnement en médicaments, notamment en Afrique subsaharienne. Si bien que l’ONUSIDA estime que nous avons perdu entre 5 et 10 de lutte à l’échelle mondiale», soutient l’expert.
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4- Il existe des traitements, mais ils sont à vie
La trithérapie, découverte en 1996, est un traitement qui combine trois antiviraux agissant de manière complémentaire contre le virus. Elle permet aux gens atteints du VIH de mener une vie «presque normale», soutient le Dr Réjean Thomas.
«C’est un comprimé par jour. Il y a même des bithérapies injectables. Le patient peut donc avoir une injection tous les deux mois», souligne-t-il.
Le hic, c’est que la trithérapie est un traitement à vie qui ne permet pas de se débarrasser complètement du virus.
«La trithérapie élimine 99.99% du virus. Mais le 0,01% de virus qui reste se cache dans des cellules du système immunitaire, qu’on appelle les réservoirs du VIH. Il peut rester là pendant des décennies et se réveiller à tout moment si on arrête la prise de médicament», explique Nicolas Chomont.
Certains traitements permettent cependant aux personnes non infectées de se protéger contre le virus avant et après un comportement à risque, comme une relation sexuelle non protégée.
La PreP, composée d’antiviraux, est efficace à plus de 90% et peut être utilisée quotidiennement ou spontanément de manière préventive, tandis que la prophylaxie post-exposition (PPE), efficace à plus de 80%, permet à une personne exposée au VIH de réduire les risques de contracter le virus si elle est prise dans les trois jours suivant l’exposition.
5- La seule voie de guérison a un taux de mortalité de 30%
Seulement cinq personnes atteintes du VIH ont été guéries dans le monde jusqu’à présent. Une victoire théorique intéressante... mais inaccessible et dangereuse, explique le Dr Nicolas Chaumont, sommité en matière de recherche de traitement du VIH dans le monde.
«Ces patients étaient atteints d’un cancer pour lequel la seule chance de survie était une greffe de moelle osseuse. Les médecins ont donc trouvé des donneurs qui étaient non seulement compatibles, mais qui étaient naturellement immunisés contre le VIH en raison d’une mutation génétique particulière, un phénomène qui touche environ 1% de la population. Ils ont procédé aux greffes, et le virus a disparu de l’organisme des patients», explique-t-il.
L’intervention demeure marginale, puisque son taux de mortalité est de plus de 30%, soulignent les deux experts.
6- Plusieurs en sont atteints sans le savoir
«Au Québec, environ 12% des gens infectés au VIH ne le savent pas et contribuent potentiellement à sa propagation sans le savoir. À Montréal, 60% des gens qui reçoivent un diagnostic de VIH le reçoivent dès leur premier test de dépistage et 40% d’entre eux ont le système immunitaire déficient, ce qui veut dire qu’ils sont infectés depuis deux à cinq ans», soutient le Dr Thomas, président-directeur général de la clinique l’Actuel.
Parce que le virus est associé à l’homosexualité, à une vie sexuelle active, à un manque de précaution ou à la toxicomanie, les personnes infectées vivent encore beaucoup de stigmatisation, ce qui freine le dépistage, poursuit-il.
«Ça demeure un des plus gros problèmes. Les gens ne veulent pas le savoir, ne veulent pas en parler. Ils craignent le jugement. Les jeunes nous en parlent beaucoup à la clinique. C’est surtout très vrai en région éloignée, dans les petites communautés où les gens se connaissent tous», indique le spécialiste.
Finalement, comme il n’existe aucun symptôme spécifique associé au virus, plusieurs le méprennent avec une condition moins grave.
«60% des gens qui ont eu des comportements à risque vont présenter des symptômes grippaux. Ils pensent qu’ils ont la grippe, une mononucléose, la COVID. C’est la raison pour laquelle c’est important de se faire tester régulièrement si vous avez des comportements à risque», insiste le médecin.
Le gouvernement fédéral a d'ailleurs annoncé cette semaine un budget de 17,9 millions de dollars afin d'améliorer le dépistage au pays. L’enveloppe promise permettra entre autres la distribution de trousses d’autodépistage du VIH et d’autres méthodes de dépistage du VIH «qui amélioreront l’accès pour les populations les plus touchées par le VIH au pays, y compris les personnes vivant dans des collectivités nordiques, éloignées ou isolées (NEI)», selon un communiqué de l‘Agence de la santé publique du Canada émis lundi.