5 questions pour mieux comprendre l’élection présidentielle en France
Mathieu Carbasse
Ce dimanche, les Français sont appelés aux urnes pour élire leur prochain président de la République. Si Emmanuel Macron vise une réélection, nombreux sont les candidats à vouloir lui succéder. On fait le point sur les enjeux de ce scrutin.
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1. Qui fera face à Emmanuel Macron au second tour?
En France, l’élection du président se fait au suffrage universel direct, c’est-à-dire que les 48 millions d’électeurs votent directement pour un candidat (et non pour un parti ou pour de grands électeurs, comme c’est notamment le cas aux États-Unis).
Le président étant élu à la majorité absolue des suffrages exprimés, si celle-ci n'est pas obtenue au premier tour du scrutin, un second tour est organisé. Il réunit alors les deux candidats qui ont recueilli le plus grand nombre de votes au premier tour.
Cette année, et comme en 2017, le président sortant Emmanuel Macron et la candidate d’extrême droite Marine Le Pen sont les deux grands favoris des sondages pour accéder au second tour.
Toutefois, si Marine Le Pen avait été sèchement battue au second tour en 2017 (elle avait recueilli 34% des votes contre 66% pour Emmanuel Macron), l’écart s’est nettement réduit depuis. D'après les derniers coups de sonde, le duel oscillerait aujourd’hui autour de 52-48% en faveur du président sortant.
Autant dire que la réélection d’Emmanuel Macron est tout sauf assurée.
2. Comment la guerre en Ukraine a-t-elle changé le cours de la campagne?
Le président sortant Emmanuel Macron, qui est aussi le chef des armées et le président en exercice du conseil de l'Union européenne, a gagné 5 à 6 points dans les sondages après le début de l'offensive russe, le 24 février dernier. C’est ce que les politologues appellent l’«effet drapeau», qui correspond à un ralliement derrière le chef de l’exécutif face à une situation dramatique.
Et même si ce n’est pas la France qui a été agressée, Emmanuel Macron «bénéficie» quand même du fait que les Français reconnaissent ses capacités à affronter les crises.
Le président sortant devrait toutefois se méfier: l’«effet drapeau» a une durée de vie limitée. Alors qu’il avait franchi la barre des 30% d’intention de vote dans les premiers jours de l’offensive russe, Emmanuel Macron a vu son avance sur les autres candidats fondre dans les derniers jours. Il n’aurait aujourd’hui que quelques points d’avance sur Marine Le Pen (27% contre 23,5%).
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3. Assiste-t-on à une dérive à droite de la scène politique française?
Lors de l’élection présidentielle de 2017, la droite avait récolté 48% des voix au premier tour. Elle était représentée par cinq candidats aux fortunes diverses: Marine Le Pen (21,3% des suffrages exprimés), François Fillon (20%), Nicolas Dupont-Aignan (4,7%), Jean Lassalle (1,2%) et François Asselineau (1%).
Pour l’élection du 10 avril prochain, ils sont cinq à droite à vouloir contester la réélection d’Emmanuel Macron. Selon les derniers sondages, c’est (encore) la candidate de l’extrême droite, Marine Le Pen, qui serait la mieux placée pour accéder au second tour, avec un score comparable à celui de 2017 (23,5%). Éric Zemmour et Valérie Pécresse seraient tous les deux crédités de 9% des voix. Nicolas Dupont-Aignan (2%) et Jean Lassalle (2%) grapilleraient quelques centaines de milliers de votes.
Si on se fie aux sondages, les candidats de droite totalisent donc cette année 45,5% des intentions de vote, soit moins que lors de l'élection de 2017 (48%). Difficile de parler d’un basculement vers la droite de la scène politique française.
La grande différence avec l’élection précédente se situe plutôt sur la nature même des candidatures: alors qu’en 2017, Marine Le Pen était la seule candidate ouvertement d’extrême droite (avec, dans une moindre mesure, Nicolas Dupont-Aignan), ils sont aujourd’hui deux à se situer tout à droite de l’échiquier politique français: elle et le polémiste Éric Zemmour. Très présent dans les médias, ce dernier a grandement contribué à imposer les thèmes favoris de l’extrême droite dans les débats (immigration, islam, souveraineté, sécurité).
4. Vers une abstention record?
Le record de l’élection présidentielle de 2002, où 28,4 % des inscrits s’étaient abstenus, va-t-il être battu cette année? Il y a de nombreuses raisons de le penser. Selon différents sondages parus dernièrement, environ 30% des Français pourraient s'abstenir lors du premier tour.
Il y a plusieurs raisons à cela. Entre le rebond épidémique lié au variant Omicron et la guerre en Ukraine, la campagne électorale présidentielle n’a pas réussi à s’installer véritablement dans l’opinion publique.
De plus, les sondages présentent l'actuel chef de l'État comme le grand gagnant du scrutin à venir. Ce sentiment que l'élection est jouée d'avance ne devrait pas aider à faire sortir le vote dans un pays où l’abstention est tout sauf une nouveauté.
L’abstention pourrait donc devenir le principal rival d’Emmanuel Macron, qui a choisi d'annoncer sa candidature le plus tard possible (le 3 mars, soit deux jours avant le jour de l'échéance). Une décision qui pourrait bien se retourner contre lui.
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5. Qui est le candidat préféré des 18-35 ans?
Selon une enquête d’Harris Interactive pour le magazine Challenges, les candidats favoris des 18-35 ans dans les intentions de vote sont, dans l’ordre: Emmanuel Macron (50% des intentions de vote), le candidat de gauche Jean-Luc Mélenchon (42%) et Marine Le Pen (36%).
Les autres candidats de droite, Éric Zemmour et Valérie Pécresse, ne sont de leur côté pas très populaires chez les jeunes, ne recueillant respectivement que 23 et 14% des suffrages.
En revanche, le candidat écologiste Yannick Jadot, crédité au niveau national de 4,5% des intentions de vote, se démarque auprès des 18-35 ans, avec plus de 13% des voix auprès de cet électorat.
Reste à voir si 18-35 ans se mobiliseront dimanche prochain. Au premier tour de l’élection de 2017, le taux d’abstention des jeunes était particulièrement élevé: il s’élevait à 27,8% chez les 18-24 ans, et même à 31,6% pour les 25-29 ans, contre 19,4% dans la population en général.