4 raisons qui peuvent expliquer que certaines personnes sont dépendantes à l’alcool ou aux drogues
Gabriel Ouimet
On entend souvent parler de «personnalité addictive». Mais est-ce qu’un gène ou un trait de personnalité peut vraiment mener certaines personnes à développer une dépendance? Certains consommateurs sont-ils prédisposés à la dépendance? C’est ce qu’on a cherché à savoir.
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Sur TikTok, le mot-clic #addictivepersonality cumule des millions de vues. Plusieurs l’utilisent à la légère pour parler de leur incapacité d’arrêter de boire du café ou de regarder une série. D’autres affirment avoir une personnalité addictive pour explique leur problème de consommation.
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Même si elle est répandue, l’idée qu’un type précis de personnalité définirait à lui seul le potentiel addictif d’une personne n’a pourtant jamais été prouvée scientifiquement, souligne la médecin en résidence en psychiatrie à l’Université de Montréal, Amélie Guilbault.
«Il s’agit d’un concept populaire, mais ce n’est pas un diagnostic en psychologie, explique-t-elle. Tout le monde peut développer une dépendance.»
Est-ce dire que nous sommes tous égaux devant la dépendance?
«On sait très bien que non. Il y a une série de facteurs de risque qui ont été identifiés pour expliquer que certains sont plus à risque de développer une dépendance que d’autres», soutient Amélie Guilbault.
La professionnelle précise que la dépendance est complexe et s’explique par des combinaisons de facteurs aggravants qui varient d’une personne à l’autre. Voici quelques-uns des facteurs de risque principaux.
Les traumatismes d’enfance
Les expériences négatives vécues pendant l’enfance jouent un rôle dans le développement du cerveau. Plusieurs troubles mentaux, dont la dépendance, peuvent donc être le résultat de traumatismes, explique Amélie Guilbault.
«On peut penser aux abus physiques, sexuels ou psychologiques, mais il y a aussi les circonstances de vie difficiles comme un parent qui consomme. Un parent qui va en prison. Une relation conflictuelle ou un divorce difficile entre les parents. Ce sont tous des exemples de choses qui peuvent influencer la manière de raisonner d’une personne et qui peuvent aggraver les risques d’addiction», illustre-t-elle.
Selon une étude américaine publiée en 2022, les personnes qui ont vécu quatre expériences négatives dans leur enfance, telles que des abus physiques, sexuels ou émotionnels ou la perte d'un parent, sont trois fois plus susceptibles de déclarer avoir des problèmes d'alcool à l'âge adulte.
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Le contexte de consommation
Certaines substances sont plus addictives que d’autres. Leur potentiel peut toutefois être amplifié selon le contexte dans lequel elles sont consommées. C’est donc dire qu’une même substance, consommée par la même personne, peut avoir des conséquences différentes d’une fois à l’autre, explique Amélie Guilbault.
«Le cycle de la dépendance, c’est de rechercher une substance pour éviter un inconfort. Donc, si tu viens de te divorcer, si tu viens de perdre ton emploi, tu es beaucoup plus vulnérable à développer une dépendance qui si tu es stable et que tu es assez bien dans ta vie», détaille-t-elle.
Les traits de personnalités
Ce n’est pas parce que les experts réfutent l’idée d’une «personnalité addictive» qu’il n’y a aucun lien entre votre tempérament et le fait que vous développiez – ou pas – une dépendance.
Amélie Guilbault souligne, par exemple, que les personnalités impulsives, qui sont associées à la recherche de nouveauté et d’adrénaline, peuvent être un cause de problème de consommation.
«On sait qu’il y a un lien entre le TDAH et la dépendance, mais ce n’est absolument pas exclusif ni certain. Techniquement, à peu près tous les troubles psychiatriques sont des facteurs de risque de dépendance d’une manière différente», indique-t-elle.
Le tempérament d’une personne peut aussi influencer le choix de la substance consommée, poursuit la médecin.
«Les gens plus extrovertis, ceux qui peuvent avoir un profil plus TDAH, vont avoir tendance à consommer des stimulants, tandis qu’un grand anxieux va avoir tendance à s’isoler et à boire de l’alcool.»
L’hérédité
Les scientifiques n’ont jamais réussi à trouver le gène de la dépendance. On sait que l’alcoolisme serait héréditaire chez une majorité de ceux qui en sont atteints, mais le lien est beaucoup plus compliqué à établir pour d’autres formes de toxicomanies.
C’est donc dire que la consommation problématique n’est pas une fatalité, peu importe votre génétique ou vos antécédents, insiste Amélie Guilbault.
«Oui, tu as plus de risques d’être dépendant si tu as des antécédents dans ta famille. Mais ce n’est pas parce que quelqu’un a deux parents dépendants qu’il va nécessairement l’être aussi. Il faut se rappeler que ça peut arriver à tout le monde et il faut faire preuve d’humilité. C’est super fréquent les problèmes de consommation», précise-t-elle.
Voici ce que vous devez surveiller si vous vous questionnez sur vote consommation:
Perte de contrôle
- Vous consommez en plus grande quantité ou plus souvent.
- Vous passez beaucoup de temps à consommer (ou à tenter de vous procurer la substance).
- Vous avez des envies incontrôlables de consommer.
- Vous essayez d’arrêter sans en être capable.
Usage risqué
- Vous continuez à consommer malgré des effets physiques ou psychologiques négatifs.
- Votre consommation vous place dans des situations dangereuses (conduite sous l’influence, par exemple).
Conséquences interpersonnelles
- Vous manquez des événements sociaux pour consommer.
- Vous avez des conflits avec des proches en lien avec votre consommation.
- Vous avez de la difficulté à assumer vos obligations à cause de votre consommation.
Si vous répondez à certains de ces critères, ou si vous vous posez des questions sur votre consommation, n’hésitez pas à contacter un professionnel:
Drogue: aide et référence est accessible 24/7 partout au Québec
► Par téléphone: 1 800 265-2626
► Par clavardage: aidedrogue.ca