3e dose: encore contredite par ses experts, la Santé publique campe sur sa position
Vincent Larin
Encore contredite par son comité d’experts en immunisation sur l’utilité d’injecter rapidement une 3e dose de vaccin aux personnes ayant récemment eu la COVID-19, la Santé publique dit ne pas avoir l’intention de changer sa recommandation.
Dans un avis publié vendredi, le Comité d’immunisation du Québec (CIQ) indique maintenant qu’il est «peu utile» de vacciner d’une 3e dose les personnes chez qui la maladie a été confirmée par un test mené en laboratoire (TAAN ou PCR, en anglais).
«Attendre l’arrivée de nouveaux vaccins offrant une gamme de protection étendue serait la meilleure option dans ce cas», indique le Comité qui rassemble plus d’une dizaine de scientifiques indépendants, dont des figures très médiatisées comme le Dr Alex Carignan de l’Université de Sherbrooke ou la Dre Caroline Quach-Thanh de l’Hôpital Sainte-Justine.
En conférence de presse, la veille, le directeur national de santé publique, le Dr Luc Boileau, avait pourtant insisté sur l’importance pour les gens infectés de recevoir cette 3e dose, même s’il juge qu’il «n’est pas nécessaire de courir si on a eu un test PCR qui nous démontrait qu’[on] était positif».
Des vaccins gaspillés?
Malgré la publication de ce nouvel avis par le CIQ, le Dr Boileau a indiqué vendredi en fin d’après-midi qu’il n’entendait pas modifier la recommandation de la Santé publique.
«Les décisions prises par la Santé publique s'appuient sur un ensemble de facteurs, notamment l'avis d'experts, la situation épidémiologique et la capacité hospitalière du Québec. Je réitère également l'importance d'aller chercher sa dose de rappel», explique-t-il par voie de communiqué.
Si elle admet qu’il peut exister des raisons «administratives» pour justifier l’administration d’une dose de rappel aux gens infectés, «il n’y a pas d’urgence neige», croit la professeure au département des sciences de la santé communautaire de l’Université de Sherbrooke et membre du CIQ, Maryse Guay.
«On donne [des vaccins] pour rien, parce que le système immunitaire [des doubles vaccinés ayant eu la maladie] est déjà au max», résume-t-elle.
Déjà, la Santé publique était allée contre l’avis du CIQ en recommandant l’administration d’une 3e dose aux personnes infectées dès la fin de leurs symptômes. Le ministère de la Santé avait ensuite justifié cette décision en affirmant qu’il agissait ainsi «par souci d’efficacité».
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Intervalle plus long à préconiser
À noter, le Dr Boileau a semblé reculer à ce sujet, jeudi, en faisant savoir aux personnes qui soupçonnent avoir été infectées par la COVID-19, mais qui n’ont pu le faire confirmer faute de tests disponibles, qu’elles peuvent attendre «trois mois maximum» et «idéalement un huit semaines» avant de recevoir leur dose de rappel.
Or, même dans cette situation, le CIQ recommande plutôt d’attendre «idéalement» trois mois et «minimalement» huit semaines avant de se faire injecter une 3e dose de vaccin.
«Un délai d’au moins huit semaines entre l’infection et sa guérison ou la dernière dose de vaccin serait à la fois un gage de sécurité et de réponse antigénique optimale», précisent d’ailleurs les experts du CIQ dans leur avis publié vendredi.
«Il y a des risques théoriques, mais probablement que c’est sans danger, explique la Dre Guay. C’est juste qu’on donne des vaccins pour rien, et si jamais on veut que cette dose-là soit la plus utile possible, bien l’intervalle plus long entre la maladie et le vaccin est à préconiser».
Élargir le passeport vaccinal
La Santé publique appuyait bel et bien l’élargissement du passeport vaccinal lorsque le premier ministre, François Legault, a annoncé qu’il serait étendu aux magasins à grande surface, le 13 janvier dernier.
Un avis en ce sens, signé de la main Dr Boileau le lendemain de son entrée en fonction, le 12 janvier, a été publié vendredi.
À noter, l’annonce par le ministre de la Santé, Christian Dubé, de l’élargissement du passeport aux succursales de la SAQ et de la SQDC avait eu lieu presque une semaine avant la signature de cet avis.