Radio-Canada et la diversité

Sophie Durocher
Radio-Canada veut plus de diversité au sein de son personnel. Mais la façon de s’y prendre ne fait pas l’affaire de tout le monde.
Des employés de Radio-Canada m’ont contactée parce qu’ils s’inquiètent de la tendance « wokiste » de leur employeur.
INFO NÉGO
La convention des 2800 employés de Radio-Canada (autant le personnel administratif, technique que les journalistes) est échue depuis le 14 octobre 2021. Dans le cadre des négociations, un des enjeux porte sur la volonté de Radio-Canada « d’intégrer à la convention collective des dispositions particulières visant l’intégration des représentants de la diversité au sein du personnel ».
Dans son dernier bulletin, le syndicat a informé ses membres des demandes suivantes : « La direction souhaite embaucher des représentantes et représentants des minorités socioculturelles, autochtones, de genre, d’orientation sexuelle et de ‘‘religion’’ [sic]. Comme ces candidatures risquent fortement de ne pas répondre aux exigences normalement prévues à la convention collective [re-sic], la direction souhaite assouplir certaines modalités lors des affichages de poste ».
Veuillez noter que ce n’est pas moi qui ai rajouté les mots « sic » ou « re-sic », mais bien la direction du syndicat.
Avouez que ça soulève un certain nombre de questions.
Comment la religion d’un employé peut-elle être un critère d’embauche, de promotion ou de formation ? Comment savoir si un employé est de telle ou telle religion ? Est-ce parce qu’il porte des signes ostentatoires ? Doit-il fournir un certificat d’assiduité de la part de son rabbin, imam, prêtre, pasteur, gourou ? Que fait-on avec les croyants non pratiquants ? Et que fait-on avec les athées ?
Qu’est-ce qui empêche un employé de se lever un matin en se proclamant de telle ou telle religion ? Comment s’assurer de la croyance sincère d’un croyant ? Est-ce que seules les religions monothéistes sont considérées ?
Tant le syndicat des travailleuses et travailleurs de Radio-Canada que la direction ont refusé mes demandes d’entrevue, « en tout respect du principe de la négociation de bonne foi ».
Par contre, Marc Pichette, porte-parole du diffuseur, a précisé : « La volonté d’être représentatif de la population canadienne est une priorité d’entreprise. Pour ce faire, on vise à adopter des mesures permettant d’atteindre cet objectif. L’une d’elles serait de créer un canevas de formation pour perfectionner les compétences des personnes issues
des groupes sous-représentés dans le but de combler les besoins de main-d’œuvre à Radio-Canada, en fonction des critères de sélection.
En parallèle, nous continuons nos processus d’embauche ».
AVEC QUI COUCHES-TU ?
Toutes les questions que je pose sur la religion s’appliquent aussi pour les autres critères énumérés. Comment la direction peut-elle vérifier si un employé est hétérosexuel ou homosexuel ou bisexuel ou « deux esprits » ? On va aller espionner dans sa chambre à coucher ? Qu’est-ce qui m’empêche de me découvrir soudainement non-binaire, si ça me permet d’avoir une promotion ? Si j’ai couché avec une fille en secondaire 5, suis-je considérée comme LGBTQ2 ? À partir de quel degré de fluidité suis-je considérée comme une minorité de genre ?
Depuis quand un employeur a-t-il le droit de poser des questions sur la vie sexuelle de ses employés ?
Pour citer Pierre-Elliott Trudeau, « l’État n’a rien à faire dans les chambres à coucher de la population ». Les sociétés d’État non plus.