Linda Malo redécouvre le métier
Erick Remy
En 1996, grâce au flair et à l’audace du défunt réalisateur Jean-Claude Lord, Linda Malo s’était retrouvée, sans être connue, tête d’affiche de la télésérie policière Jasmine. Depuis, elle a toujours entretenu sa flamme et, 27 ans plus tard, voilà qu’on la retrouve aux côtés de Bianca Gervais, Bruno Marcil et une flopée de bons et jeunes comédiens dans la nouveauté Les Perles, offerte sur Club illico.
• À lire aussi: De retour à la télé, Linda Malo revient sur son audition pour Les perles
«Lorsque j'essaie de décrire ce que je ressens, c'est le mot redécouverte qui me vient en tête. Je redécouvre ce métier et ses nouvelles façons de faire. Je suis partie pour mieux revenir», lance l'actrice, dont la dernière apparition à l'écran remontait à 30 vies, il y a une dizaine d'années. Quand les rôles se sont faits plus rares, Linda, qui à cette époque s'est aussi retrouvée célibataire et mère de famille monoparentale, s’est servie de l’une de ses forces: s’adapter aux circonstances. Elle a produit des vidéos corporatives pour de petites et moyennes entreprises, ce qui lui permettait d’user de ses talents et de ne pas dépendre du prochain cachet de comédienne.
«Quand ça fait 1000 fois qu’on se dit qu’on a moins de rôles, on doit se relever les manches. Je devais avoir un toit et subvenir à mes besoins et à ceux de mon fils. J’ai mis mes billes là où je pouvais être créative, m’épanouir et entretenir mon estime personnelle.»
Du mannequinat à la télé
C’est par la grande porte, en 1987, que Linda Malo a fait ses premiers pas dans le métier. Alors qu’elle défilait comme mannequin à Paris, le réputé photographe de mode Oliviero Toscani l’avait choisie pour être l’un des visages de la campagne internationale d’United Colors of Benetton. Ensuite, peu à peu, Linda Malo a vu sa carrière prendre racine chez elle, au Québec. Après la série Jasmine, présentée à TVA en 1996, on l’a vue dans Virginie, Les poupées russes, Diva, 30 vies. Elle a aussi animé Bec et museau à TVA, Maison de rêve à TQS et 100 % griffe québécoise à RDI. «Évidemment, j’aurais aimé que ça continue, mais il ne fallait pas que j’oublie que, pendant 15 ans, la télé m’avait permis d’avoir des rôles et des mandats d’animatrice. Alors, j’ai toujours gardé espoir, mais je ne me suis pas pendue à son cou. (rires) Je suis une femme résiliente, une battante. Ce sont des valeurs qui m’ont été transmises par mes parents», dit-elle le regard plein de fierté.
Si de nos jours on mise sur la diversité dans toutes les productions, il n’y a pas si longtemps — et encore moins il y a 25 ans! —, c’était plutôt rare qu’on la représente à l’écran. Née d’un père québécois et d’une mère haïtienne, sent-elle une certaine fierté d’y avoir contribué? «À l’époque, j’étais une exception, mais ce n’est plus le cas une génération plus tard. La roue tourne. Il y a un certain avantage à vieillir, car toute cette belle diversité de comédiens, surtout les jeunes métis, a besoin d’une mère à l’écran! (rires)»
Une fiction proche de sa réalité
C’est dans Les Perles, réalisée par Hervé Baillargeon, écrite par Érika Soucy et tournée sur la Côte-Nord, terre natale de l’autrice, qu’elle effectue son retour au petit écran. La série est axée sur les vies, les choix et les relations des femmes et jeunes femmes jouées par Bianca Gervais, Cassandra Latreille, Anouk Tanguay et Sharon Fontaine-Ishpatao. Linda Malo nous confie ce qu’elle a ressenti lorsqu’elle a tourné sa première réplique. «Tout juste avant le clap, même si elle n’était pas dans cette scène, Bianca est venue vers moi. Ses yeux me disaient: “C’est ta place.” (Elle devient émue.) Elle a été d’une générosité incroyable! J’ai savouré chaque instant sur le plateau des Perles.»
Ce rôle d’Esther, la femme du personnage incarné par Bruno Marcil, n’est pas sans lui rappeler sa propre histoire familiale. «Ma mère s’était elle-même retrouvée en territoire inconnu en suivant mon père, blanc, né au Québec. Nos personnages d’Esther et de Martin forment un couple mixte. Ils sont ensemble depuis très longtemps et ont un fils. Et, comme ma mère l’avait fait, c’est certainement par amour qu’Esther s’est retrouvée sur la Côte-Nord!»
Une mère dévouée
On l’oublie parfois, mais quand on n’est pas à l’écran en train de jouer la vie de personnages, ça permet de vivre sa propre vie. Loin des projecteurs, Linda Malo s’est consacrée à l’éducation de son fils, Édouard, qui a aujourd’hui 22 ans. «Édouard étudie la musique à l’université. Il est auteur-compositeur-interprète. Comme j’ai vécu les insécurités du métier, je m’inquiète parfois de son avenir, mais je me dis: “Linda, c’est son chemin.” Moi qui ai toujours rêvé de jouer d’un instrument de musique, lui, il a tous les talents! Il est excellent pianiste et guitariste. (Sa chanson Loin avec la voix de son grand-père, l’acteur Yves Corbeil, a été choisie parmi les chansons préférées d’avril dans Le Journal de Montréal.) Mon fils accomplit des choses que j’aurais aimé faire.»
Armée d’un optimisme à tout crin et d’une force de caractère acquise durant sa jeunesse passée dans les jeannettes scoutes, puis les guides, la sympathique comédienne décrit en ces mots toutes les expériences et les défis qui l’ont forgée: «Je ne suis pas différente de toutes les mères de famille monoparentale. Être maman amène son lot de joie, mais aussi de responsabilités. C’était la chose à faire. Ça s’appelle l’amour. Je ne suis pas la même Linda Malo qu’à mes débuts. Ce recul me permet aujourd’hui d’être encore plus fière d’avoir porté le rôle de Jasmine à bout de bras. Mon plus grand souhait est que les gens qui m’ont vue jouer Jasmine, alors que j’étais dans la vingtaine, me voient à l’écran dans la soixantaine et, bien au-delà, avec mes cheveux blancs. Et que, sur le plan personnel, je rencontre l’homme de ma vie, mais pas à n’importe quel prix», conclut-elle en éclatant de rire.
Les Perles est disponible sur Club illico.